Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №1/2007

Arts et culture

Lialia KISSELEVA

Le Théâtre du Radeau à Moscou

« Pendant le spectacle, vous allez entendre des extraits en français, en italien et en allemand. Même si vous ne parlez pas ces langues, cela ne va pas empêcher votre perception. » C’est avec cette phrase que commençait Coda, spectacle du Théâtre du Radeau qui est venu à Moscou dans le cadre de la 8ème édition du festival NET.

Du 1er au 4 décembre, à Moscou, on a pu assister à un grand événement : dans les locaux de l’usine à vin tout près de la gare Kourski, dans la salle du Centre de l’art moderne « Vinzavod », on donnait Coda, le spectacle d’un théâtre français, Théâtre du Radeau.

Le Théâtre du Radeau est né au Mans. Dès 1985, il est dirigé par François Tanguy qui trouve pour sa troupe un endroit insolite dans un des hangars appartenant autrefois à Renault. Il conserve le nom du hangar – Fonderie – et pendant vingt ans il y crée, étape par étape, un espace culturel et théâtral pour une vie collective artistique. Maintenant, il y a deux salles, des ateliers, des chambres d’hôtes, une cuisine. Le Théâtre du Radeau garde les traditions « nomades » et accueille lui-même des troupes ou des artistes.

Le spectacle Coda dont l’auteur est François Tanguy lui-même a été créé en 2004. Voilà comment Tanguy explique ce titre : « L’intitulé Coda dérive de la figure musicale du motif à la fin d’un morceau, étendu ici au mouvement théâtral : accueillir, rassembler, renouer, délier. Les rythmes et mouvements respiratoires forment, construisent, déconstruisent, relancent des éléments concrets par où les perceptions composent des lignes de sens. Mon rôle ne consiste donc pas à décider du sens mais à inviter le spectateur à traverser cette expérience des sens, et, pour cela, à apprêter l’hospitalité, c’est-à-dire à dégager la vue, à construire une optique qui ne vise pas pour autant à montrer. »

Le Théâtre du Radeau à MoscouPour le public russe la mise en scène de Tanguy est vraiment très inhabituelle : le tout m’a fait penser à l’océan et à ses fluctuations. Les silences s’alternent aux grondements de la musique de Verdi, Bach, Haendel à travers laquelle on entend des extraits de Kafka, de Carlo Emilio Gadda, d’Antonin Artaud, de Dante et de Hölderlin qui dans ce vacarme perdent leur sens et trouvent un autre dans cette perte même... La chose pareille avec les évolutions des personnages qui ne sont pas des personnages mais des fantômes qui passent de la presque invisibilité à la présence quasi menaçante. Au début, la scène faisait penser à plusieurs camera obscura imbriquées. Puis elle aussi a commencé à vivre, à changer, à progresser ou à diminuer. Selon Tanguy, « ce que nous voyons n’est pas le code de ce que nous ne voyons pas, ce qui est à voir est très exactement ce que nous voyons, ce que nous pouvons voir ». C’est pourquoi ce spectacle laisse champs libre à notre compréhension. Il bascule notre aptitude de percevoir et la rafraîchit.

Le spectacle a été dédié à la mémoire de Anna Politkovskaya.

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