Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №8/2007

Je vous salue, ma France

La naissance de l’adolescence

Jamais les adolescents n’ont été si nombreux : 16 millions, soit un Français sur trois, ont moins de vingt ans. C’est un des événements majeurs de cette deuxième moitié du XXe siècle. Auparavant, les adolescents n’ont jamais formé réellement un monde à part. Ils étaient enfants, puis passaient directement à l’âge adulte. Les années 1960 vont voir exister l’âge intermédiaire.

L’accès aux études et l’allongement de leur durée retardent l’entrée à l’âge adulte. La mixité1 rapproche filles et garçons et favorise la liberté des mœurs. Les adolescents découvrent l’argent de poche et ce pouvoir d’achat qui donne l’impression que le monde vous appartient. Les parents, marqués pour toujours par leur propre enfance en misère, n’hésitent pas à gâter leurs « bébés ». La situation de l’emploi n’étant pas encore préoccupante, la course au diplôme, le besoin de faire une carrière ne sont pas des problèmes. Pour s’acheter les disques, le transistor ou la mobylette, on a recours au travail temporaire, aux petits boulots qu’on appelle « le job » ; on travaille comme pompiste, vendeur, peintre en appartements ou bien on garde des enfants (baby-sitting). Les jeunes ont donc l’argent facile, avec souvent la satisfaction de l’avoir gagné. On passe des loisirs en petits groupes. Le tourne-disque bon marché, facilement transportable, a du succès fou. On l’emporte chez les copains pour écouter des disques (le 45 tours à quatre chansons : deux sur chaque face) et pour danser. On appelle ça les « surboum », puis les « boum ».

C’est le temps de l’insouciance. Le romantisme n’est pas encore un mot désuet. Les sentiments s’avouent à découvert. Sans peur du ridicule. Sans crainte de susciter l’ironie. On est drôles et naïfs. On attend un grand amour. C’est l’époque des princes charmants, des flirts, des amourettes, des romances, des scènes au clair de lune, des secrets, de grandes promesses et de copains. Ce mot « copain » devient magique ; on l’entend dans de nombreuses chansons : Tous mes copains de Sylvie Vartan, Les Sifflets des copains et Vous, les copains de Sheila. Ainsi Georges Brassens déclare-t-il : « Les copains d’abord », Juliette Gréco chante La Fête aux copains. Salut les copains de Gilbert Bécaud devient le titre-phare pour toute une génération. Avec les copains, on écoute les idoles dans les juke-boxes2 , ou chez soi, avec les copains on constitue des fan-clubs.

Et c’est aussi le moment du phénomène social important – celui de l’irruption de la jeunesse comme groupe spécifique de la société française. Le mode de vie où l’adolescent est considéré comme un enfant est en train de partir. Le jeune exige du respect de la part des adultes. Il ne veut plus être considéré comme « un membre de sa famille », il s’entoure de marqueurs identitaires qui lui sont propres. Il écoute « sa » musique, il choisit des vêtements qui ne peuvent pas être portés par des « vieux » et qui choque ces derniers. C’est une culture qui nie les valeurs sociales, la famille et l’Église. La jeunesse s’attache à des figures révolutionnaires comme Che Guevara, héros de la révolution socialiste cubaine de 1959. La « vie va » (comme chante Guy Béart), mais les adultes ne s’en aperçoivent encore pas. Ils s’en apercevront trop tard : ce sera en mai 1968…


1 Avant il y avait les écoles pour les filles et celles pour les garçons. Maintenant, les garçons et les filles font leurs études ensemble, les écoles sont devenues mixtes.

2 Américanisme désignant une machine sonore publique faisant passer automatiquement un disque demandé.

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