Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №9/2007

Arts et culture

Lialia KISSELEVA

Cocteau, V.O.

Aujourd’hui, à Moscou, ça se fait rare de voir un spectacle en français. On guette ces possibilités, on les attend et on fait tout pour y assister. Pourtant, on peut le faire sans trop d’effort : au Théâtre arménien de Moscou, on donne Cocteau en « version originale ». Un vrai phénomène car en plus c’est une de ses œuvres les plus difficiles et les plus cultes – La Voix humaine.

Comment ça s’est produit qu’un théâtre a choisi de jouer une pièce française en français ? On en parle avec le directeur de la troupe du Théâtre arménien, Slava Stepanian.

– Quelle est l’histoire de ce spectacle dans votre théâtre ?

Zita Badalian dans La Voix humaine– Ce spectacle a vu le jour à Tbilissi, on le jouait en trois versions : en arménien, en géorgien et en français. Et c’est grâce à Nelli Chakhbazova, manager littéraire de notre théâtre, qu’on a fait la connaissance de Nathalia Tchaganava et Irina Toukhoulova qui à son tour plus tard nous a fait rencontrer Jeanna Aroutiounova. On a eu beaucoup de succès, et quand je suis venu à Moscou, je n’ai pas pu laisser l’idée de faire ce spectacle ici. Mais bien sûr qu’ici il était possible de le faire en russe, en arménien et en français. En français parce qu’on a une forte tendance de faire du théâtre originel. Encore à Tbilissi, ce spectacle nous a donné beaucoup d’amis parmi les Français qui ont soutenu notre initiative. À Moscou, c’était la même chose. Pourquoi j’ai décidé de faire ce spectacle en français ? C’était un mouvement d’âme et il s’est approuvé. Je suis très reconnaissant à tous les amis que j’ai rencontré grâce à La Voix humaine, et cette ronde ne fait que s’élargir.

– Comment vous avez fait pour monter le spectacle en français ?

– D’abord, il fallait trouver une actrice qui en serait capable. Au début, on a eu trois ou même quatre actrices pour ce rôle, mais au fil du temps il n’en est restée qu’une : Zita Badalian. Mais trouver une actrice c’est encore peu pour un projet grand comme ça. Et voilà qu’on a fait la connaissance de Jeanna Aroutiounova, une personne vraiment charmante et intelligente, qui nous a recommandé un spécialiste de la langue française, Olga Riabova, qui a travaillé avec notre actrice pendant plus de trois mois. Peu après on a fait la connaissance de Joëlle Montech, et grâce à ce trio brillant on s’est rencontré avec le public français.

– Maintenant vous avez introduit dans le spectacle les élèves du Lycée français Alexandre-Dumas. Quelle était votre idée ?

– Dans ce cas, c’était l’idée qui m’est très chère : quand la communication se passe au niveau de l’âme, la nationalité ne compte pas. On est un humain devant un autre humain. Ce qui compte c’est la compréhension mutuelle. Et ça a marché. Alors, en voilà le but essentiel : que dans le cadre de la scène les personnes portant de cultures différentes puissent créer une liaison spirituelle commune. Ce qui va prouver encore une fois que l’art peut et qu’il doit servir au rapprochement des humains. J’ai toujours enviait les peintres et les musiciens pour qui la barrière linguistique n’existe pas. Et je veux détruire cette barrière au théâtre aussi.

– Pourquoi vous avez choisi Cocteau ?

– Cocteau pour moi est une personnalité géniale. Un homme qui était tellement talentueux dans plusieurs domaines : design, littérature, peinture, théâtre, cinéma, organisation des Soirées russes. Et je suis vraiment ravi d’exprimer par ce spectacle mon admiration de Cocteau. La Voix humaine – c’est la première monodrame du théâtre mondial et je ne veux pas qu’on l’oublie. Pourtant, cette œuvre est assez compliquée pour apparaître souvent à l’affiche des théâtres.

– Selon vous quelle est l’idée principale de La Voix humaine ?

– Cette œuvre a trop d’aspects. Mais nous, on voulait souligner surtout que c’est l’œuvre sur l’amour suprême. Et aussi il ne faut pas ignorer la nuance religieuse de La Voix humaine, la nuance de la foi chrétienne. Dans le spectacle, on le révèle en retournant l’héroïne sur la Terre après son suicide. Dans le texte de la pièce ça n’existe pas, c’est une sous-entente, on le fait pour punir l’héroïne qui n’a pas pu apprécier la vie terrestre. C’est une façon de montrer qu’aujourd’hui la plupart des cataclysmes se produit à cause du manque de foi, et on ne parle pas ici que de la foi en Dieu, mais aussi de la foi en amour, en beauté, en ami.

Je voudrais souligner qu’on n’aurait pas pu réaliser ce projet sans le soutien et la compréhension de l’ambassade d’Arménie et de l’ambassadeur Armène Soumbatian.

La Voix humaine est une monodrame ce qui veut dire que tout est concentré sur une seule actrice qui est alors chargée d’une tâche vraiment herculéenne et c’est sur Zita Badalian, une jeune femme fragile, que se tient une grande part du spectacle. On en parle avec elle.

Zita, comment vous avez commencé le travail sur le spectacle et quelles difficultés vous avez dû surmonter ?

– C’était mon rêve de jouer ce rôle parce que ce rôle pour une actrice est censé être la même chose que Hamlet pour un acteur. Le travail préparatoire pour ce rôle a duré cinq mois. Pendant ces cinq mois j’ai su trouver en moi des qualités nouvelles. Ce rôle m’a beaucoup donné non seulement sur le plan professionnel mais aussi sur le plan personnel. Pendant ce court délai de cinq mois on a fait la version arménienne, russe et française. Moi-même, je ne parle pas français, mais je sais maintenant lire en français parce que j’ai fait des leçons de lecture avec Olga Riabova grâce à qui j’ai connu quelques notions de la grammaire française et j’ai appris à lire. Bien sûr je ne peux pas dire que je parle cette langue et la comprends mais j’ai appris par cœur seize pages de texte français. Et c’était bien agréable d’entendre les Français me dire après le spectacle que j’ai un accent de Midi ! Je suis vraiment reconnaissante à Slava et à tout le collectif de notre théâtre pour ce rôle qui m’a donné si beaucoup.

Vous jouez ce rôle en trois langues. Est-ce que vous sentez une différence entre l’héroïne qui parle arménien et celles qui parlent russe et français ?

– Quand on a décidé de passer à d’autres langues, Slava m’a dit : « Je veux que tu gardes l’héroïne. » Et j’ai su le faire à travers ma langue maternelle, l’arménien. Parce que c’est à travers ma langue maternelle seulement que je peux sentir la douleur, et l’image de l’héroïne est toute construite sur la douleur et l’amour. J’ai gardé cette atmosphère à l’intérieur de moi et cette mélodie. Je peux maintenant parler n’importe quelle langue, dire l’abracadabra en gardant mon héroïne.

Pour en savoir plus :
www.mosarmteatr.ru

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