Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №10/2007

Arts et culture

Andreï Makine La Fille d’un héros de l’Union Soviétique

(extrait)

Dans le roman La Fille d’un héros de l’Union Soviétique il s’agit du destin dramatique d’un soldat russe, de son exploit pendant la guerre et de son désillusion tragique après la guerre, dans une société cruelle, indifférente et perverse. Apparemment tout va bien: on respecte les anciens combattants de la guerre (« vétérans ») dans tout le grand pays et dans la petite ville de Borissov où vit Ivan.

Durant ces années vint au monde et grandit toute une génération qui n’avait connu la guerre. Ivan était invité de plus en plus souvent à l’école de Borissov avant la fête du 9 mai, jour de la Victoire.

On l’appelait maintenant « Vétéran ». Cela l’amusait. Il lui semblait que la guerre venait seulement de finir et qu’il était encore cet ancien sergent-chef de la Garde, récemment démobilisé.

À la porte de l’école il était accueilli par une jeune institutrice qui, avec un sourire radieux, le saluait et le conduisait dans la classe. Il la suivait, ses médailles tintant sur la poitrine, et il pensait : « Que le temps passe vite ! Elle pourrait être ma fille et elle est déjà institutrice ! »

Quand il entrait dans la salle bruyante, le silence se faisait. Les élèves se levaient, se jetaient des clins d’œil en chuchotant, regardaient ses décorations. L’Étoile d’or de Héros de l’Union soviétique leur en imposait. Un Héros, on n’en rencontre pas tous les jours !

L’institutrice prononçait alors quelques paroles de circonstance sur la grande fête nationale, sur les vingt millions de vies humaines sacrifiées pour l’avenir lumineux de ces élèves distraits par le soleil de mai, sur la devise « Personne n’est oublié, rien n’est oublié ». Puis, donnant à sa voix un ton plus chaleureux et moins officiel, elle s’adressait à Ivan qui se tenait un peu raide derrière la table : « Respectable Ivan Dmitrievitch, sur votre poitrine brille la plus haute distinction de la Patrie, l’Étoile d’or de Héros de l’Union soviétique. Nous aimerions bien connaître votre participation à la guerre, vos exploits de combattant, votre contribution héroïque à la Victoire ».

Et Ivan, après s’être gratté la gorge, commençait son récit. Il savait déjà par cœur ce qu’il allait dire. Depuis le temps qu’on l’invitait, il avait compris ce qu’il fallait raconter pour que la classe reste attentive pendant les quarante minutes réglementaires, à la grande satisfaction de la jeune institutrice. Il savait même déjà qu’à la fin de son exposé – et il y aurait pendant quelques instants un silence tendu – elle se lèverait agilement et prononcerait les mots attendus : « Allez, mes enfants, posez vos questions à Ivan Dmitrievitch ». De nouveau s’écoulerait un silence gênant. Mais, obéissant au regard de l’institutrice, du premier rang se lèverait une resplendissante jeune fille, au tablier blanc comme de la crème fouettée, qui dirait, comme si elle récitait une leçon : « Respectable Ivan Dmitrievitch, parlez-nous, s’il vous plaît, des qualités de caractère que vous avez appréciées chez vos camarades de guerre ». Après la réponse que personne n’écoutait plus se lèverait le garçon le plus présentable qui demanderait à Ivan, sur le même ton consciencieux, ce qu’il pouvait conseiller aux futurs défenseurs de la Patrie.

La sonnerie retentissait et l’institutrice soulagée félicitait encore une fois le Vétéran et lui offrait trois œillets rouges, retirés d’un vase à l’eau trouble posé sur la table. Toute la classe impatiente se levait d’un bond.

En rentrant, Ivan Dmitrievitch avait toujours quelques regrets confus. Chaque fois il aurait voulu raconter une toute petite chose : cette forêt où il était entré après la bataille, et l’eau de la source qui lui avait renvoyé son visage.

(S’il pouvait, il raconterait qu’après une terrible bataille, Ivan pénétra sous les arbres. Il aperçut une rigole étroite emplie d’une eau d’une limpidité vertigineuse. Il s’agenouilla et but avidement. Désaltéré, il aperçut son reflet, ce visage qu’il n’avait pas vu depuis si longtemps – ce jeune visage légèrement bleui par l’ombre de la première barbe, avec des sourcils décolorés par le soleil et des yeux terriblement lointains, étrangers.
« C’est moi…– les mots se formaient lentement dans sa tête – Moi, Ivan Demidov… »)


Fiche pédagogique

par Tatiana JELEZNIAKOVA,
professeur de français école n°1286

VOCABULAIRE
décoration (f) – награда
en imposer – внушать уважение
raide – напряженный
distinction (f) – отличие
tendu – натянутый, принужденный
agilement – ловко
gênant – принуденный, натянутый
resplendissante– зд. роскошная
la crème fouettée – взбитые сливки
consciencieux, -se сознательный
oeillet (m) – гвоздика
rigole (f) канавка
limpidité (f) – прозрачность
vertigineux, -se – головокружительный
désaltérer – утолить жажду

QUESTIONS
1. Est-ce que vous avez assisté à des rencontres avec des « vétérans » à l’école?
2. Est-ce que ces rencontres rappelaient celles décrites par l’auteur?
3. Qu’est-ce que l’écrivain voulait-il dire par sa description?
4. Pourquoi Ivan sentait toujours un regret confus après ces rencontres ? Qu’est-ce qu’il voudrait raconter aux enfants, aux gens ? Pourquoi pour lui c’était plus important que ses récits ordinaires ?:
5. Pourquoi il ne pouvait pas être soi-même en parlant de sa guerre à lui ?
6. Est-ce que vous avez lu des livres, regardé des films consacrés à la guerre ? Lesquels ? Comment sont-ils ?
7. Est-ce que cela vous intéresse, la guerre ? Qu’est-ce qui est plus important pour vous, son côté historique ou humain ?

TopList