Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №20/2007

Arts et culture

Photographie

La photographie aujourd’hui est devenue presque un sine qua non de la création. Avec l’avènement des technologies numériques la photographie a progressé dans sa signification : maintenant on peut éterniser chaque instant de notre vie avec une évidence momentanée. La photographie pour rester un art à part s’est révélée comme un outil indispensable à chaque personne créative.

Au cours des relations que certains photographes ont entretenu avec la peinture et les arts plastiques, les notions photographiques de matière, d’espace et de volume ont été explorées, augmentées, et l’instantanéité de la photographie élargie. Les possibilités temporelles de l’image, condition même de l’expérience photographique, en ont été accrues. Ensemble, recherche plastique et sens de la fiction font alors de la photographie l’expérimentation d’un temps complexe, dilaté, fluctuant. C’est pourquoi on ne va pas vous présenter ici que des photographes mais aussi des plasticiens dont une part majeure de l’œuvre est inspirée et réalisée à l’aide de la photo.

Patrick Raynaud (1946)

Étant de sa vocation principale artiste plasticien, Patrick Raynaud a beaucoup contribué à l’art de la photographie.

Raynaud a participé à plus de 200 expositions collectives et personnelles dans de nombreux pays, et répondu à une vingtaine de commandes pour l’espace public.

Dans ses travaux phoyographiques comme, par exemple, La Nourriture ½, Raynaud montre des boîtes servant à transporter des œuvres d’art dans lesquelles une photographie cibachrome représentant des objets personnels à l’échelle 1/1 se substitue aux vrais objets.

Dans Le Festin Cannibale, dans Teatro anatomico comme dans Le Festin de Pierre, Raynaud nous parle de la fragmentation et de la fragilité du corps. Qu’ils soient dans des grands coffres en aluminium ou des congélateurs industriels, ces corps nus dont l’image lumineuse est toujours à l’échelle du corps photographié, semblent nous rappeler la futilité de notre existence. Dans une adaptation du Festin de Pierre, Patrick Raynaud fait cohabiter ses images de corps avec les produits de consommation de notre quotidien pour nous dire que l’Homme n’échappe pas au cycle feed me – eat me (nourris-moi – mange-moi).

Thibaut Cuisset (1958)

Cuisset déploie son travail photographique par campagnes successives sur des territoires variés : Australie, Suisse, Espagne, Italie, Corse, Turquie, Bretagne, Japon, Pays de Loire. Les lieux ne sont pas envisagés sous l’angle de l’actualité mais comme des paysages modelés par l’Homme et par le temps : espaces urbains, périphéries de grandes villes, campagnes cultivées, côtes maritimes, plaines fluviales mais aussi déserts et montages. Thibaut Cuisset cherche à représenter de façon puissante et discrète, l’essence du paysage. S’appuyant sur des couleurs douces et retenues, il montre que le territoire n’a rien de figé, qu’il est le résultat de l’histoire et d’interventions multiples. Après avoir observé une nature laissée à elle-même, Thibaut Cuisset souhaite à l’avenir s’immerger au cœur d’une ville, là où le moindre détail est pensé par l’homme.

Avec Jean Christophe Bailly, son complice depuis déjà plusieurs années, il a conçu un projet « La rue de Paris ».

Jean-Marc Bustamante (1952)

Depuis les années 1980 son travail s’est développé à travers un échange constant entre la sculpture, la peinture et la photographie.

A partir de 1978, il réalise des photographies couleur, de grand format, qu’il intitule Tableaux. Ce sont principalement des paysages à la lisière des villes dans la banlieue de Barcelone qui vont asseoir sa réputation. Ces tableaux sont considérés comme les premières œuvres marquantes de la photographie dans le champ de l’art contemporain toutes disciplines confondues.

En 1983 il rencontre le sculpteur Bernard Bazile avec lequel il collabore pendant trois ans, sous le nom de BazileBustamante. Cette expérience le conduit à développer un travail libre, très ouvert, où la forme structure un monde étrange, lié à la notion de lieu et d’espace. De la photographie à l’objet, il multiplie les propositions visuelles innovantes sous toutes ses formes. Il met en place à partir du « photographique », qui reste l’essence de son travail, des dispositifs visuels d’une très grande maîtrise formelle.

Thierry Girard (1951)

Après avoir commencé par la photographie de reportage, en noir et blanc et au Leica, Thierry Girard abandonne au milieu des années 1980 cette approche « documentaire » pour s’intéresser davantage au paysage. Il entreprend alors une exploration du paysage, parfois à pied (au cours de marches photographiques qui accentuent le côté poétique de son travail), mais le plus souvent en construisant des itinéraires, dont le fil conducteur peut être géographique, mais également faire référence à des prétextes littéraires ou artistiques : Jaillissement & dissolution, un voyage le long du Danube de Claudio Magris, La Route du Tôkaidô, au Japon en référence à Hiroshige. Ces itinéraires sont autant de prétextes à une quête intérieure, à la recherche de « signes » qu’il va capter dans une interprétation très personnelle de l’espace. D’un projet à l’autre, il y a toujours une évolution, une remise en question, une prise de risques. Sa vision s’est peu à peu dépouillée au point de devenir, au début des années 90, très minimaliste et de traduire une poétique de l’espace nourrie par les notions de limite, de seuil, de franchissement.

Eric Rondepierre (1950)

C’est le « Noir », ce visible en manque d’image et non le contraire qui va fasciner Rondepierre. Pas étonnant alors que le film de Michael Powell, Peeping Tom (1960) ait été le précurseur à ses premiers travaux (Le Voyeur ouvrant la série Plans de coupe, suivront les séries Inserts, Excédents, Annonces-vidéo, Annonces-peinture, Annonces-film) et reste un des verrous de sa démarche conceptuelle. Il coupe, raccorde, recadre, trouble et décale, mais aussi prélève et ausculte le réel surpris et pris dans la gélatine, avec la force irréductible de celui qui dissèque le corps de l’image pour mieux le comprendre et le faire parler. Loin de se fier aux apparences qui aujourd’hui se substituent aux évidences et donc à la vérité, Éric Rondepierre expérimente le monde des strates sensibles car argentiques tout autant qu’il vérifie autour de lui les collages et superpositions mais aussi les ellipses et éclipses que le réel brut propose au regard « exercé ». Ce seront alors les séries Stances, Diptyca, Suites mais aussi Moins X.

Paul Pouvreau (1956)

Photographies d’objets rudimentaires, de caisses en carton et de sacs en plastique  ; assemblages et installations de caisses vides amoncelées. Images d’apparence sans qualité qui révèlent un goût prononcé pour la peinture, une réflexion sur la culture et la nature de l’image. Voilà les aspects essentiels de l’œuvre de Paul Pouvreau. La figure humaine apparaît quelquefois furtivement dans le champ, partiellement dissimulée, anonyme.

Notons tout d’abord que les emballages cartonnés ou plastifiés qu’utilise l’artiste sont eux-mêmes recouverts d’images : dessins élémentaires se rapportant au contenu, une série de casseroles, un verre de vin rouge, un faitout, un logo, etc. L’air de rien, l’élément iconique prend tout son poids dans l’image.

Notons également que ces images infiltrées dans l’image instaurent un jeu avec leur environnement immédiat. Nous pourrions admettre que le contexte est au premier niveau et le motif au second.

Véronique Ellena (1966)

Si elle ne connaît ses modèles anonymes l’artiste les photographie pour tenter avec patience et empathie de percer leur mystère, leur regard vague ou leur attitude prostrée, afin de susciter une suspension du temps, entre plongée dans le moi intime et ouverture au monde.

En effet, les personnages photographiés, un jeune garçon et sa grand mère assis sur un banc tenant une lanterne de papier, un adolescent en survêtement et baskets assis en tailleur, mains jointes et tête baissée, un vieil homme indien assis devant un bâtiment, etc., sont volontairement présentés hors contexte.

L’approche reste discrète, respectueuse de l’intimité de l’autre. Véronique Ellena attend que la personne soit à nouveau disponible à ce qui l’entoure pour lui demander de reproduire son geste ou sa prière, afin de la photographier.

Ses modèles adoptent d’autant plus facilement une posture de recueillement que l’artiste utilise une chambre qui demande de longs temps de pose et une coopération du modèle.
Les cyclistes, les visiteurs de supermarchés ou les acteurs du dimanche, sont considérés du point de vue de la foi, car Véronique Ellena les considère tous comme « dotés de grâce »…

Florence Paradeis (1964)

Mise en scène, simulacre et simulation : ce que Florence Paradeis capture et donne à voir, c’est la paradoxale mise en scène d’un instantané qui questionne la prise de vue et le temps dans l’image photographique sous les traits d’un arrêt sur image.

L’image, glacée par son support plastifié, montre une personne, probablement une femme, les mains posées sur les battants d’une fenêtre. Dehors, en contrebas, s’étend un paysage urbain traversé par des voies ferrées, paysage banal et poétique comme le sont dans la ville les lieux près des gares. Le cadrage est serré sur le geste quotidien, ordinaire à un détail près : la double page d’un journal – Le San Francisco Chronics – dont le titre est inscrit en caractère gothique, est plaquée sur le visage du personnage.
« Ma préoccupation, dit l’artiste, est la durée de l’image. Maintenant, de la même façon qu’elle prend son temps dans un semblant d’instantané, l’image prend sa forme dans un semblant de banalité. »

Le banal, en serait-il pour autant transfiguré ? Il semble, dans ces images, plutôt exacerbé, un peu comme dans un tableau en trompe-l’œil. Ainsi, le banal est joué et déjoué, jusqu’à ce que, dans sa théâtralisation, dans la suspension de sa durée, une nouvelle présence se dresse et nous invite à adopter un autre regard.

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