Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №5/2008

Je vous salue, ma France

L’Aquitaine et ses marges

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L’estuaire de la Gironde au nord, les montagnes des Pyrénées au sud, l’océan Atlantique à l’ouest, le Massif Central à l’est délimitent l’Aquitaine et ses marges : Pays basque, Béarn, Périgord et Dordogne. 

 

 

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L’Aquitaine est un pays de vieille culture. Ici s’est développée au XIIe siècle la littérature courtoise, d’abord écrite en langue d’oc (langue de l’Occitanie, dérivée du latin). C’était une littérature de « cour », lue et chantée le soir à la veillée, dans l’ombre des châteaux féodaux. Cette littérature porte le nom de « courtoise » car elle « courtisait » la femme, louait sa beauté et son esprit. On chantait l’amour en un temps de mœurs rudes et guerrières. à Blaye, sur la rive nord de l’estuaire de la Gironde, se dressent encore les ruines du château de Jaufré Rudel, seigneur, poète et troubadour. Il partit pour une terre lointaine à la recherche de sa Dame. Il en mourut, mais laissa de poignantes mélodies.

L’Aquitaine fut la province la plus disputée entre la France et l’Angleterre. La fille du duc d’Aquitaine, Aliénor, avait eu la bonne idée de divorcer d’avec le roi de France Louis VII pour se remarier avec Henri II Plantagenêt, duc de Normandie et comte d’Anjou en 1152. Celui-ci devint roi d’Angleterre deux ans plus tard. Le conflit entre les deux dynasties était inévitable. Il a duré deux siècles. L’Aquitaine, riche province, fournissait son vin au royaume d’Angleterre. De nos jours, les Anglais continuent à boire le Bordeaux, qu’ils appellent « claret ». C’est l’un des vins les plus appréciés chez eux. Ils viennent ici en touristes chercher les traces du passé et la douceur de vivre.

Bordeaux, le port qui a donné son nom au vin, est la capitale de l’Aquitaine. La ville s’est surtout enrichie au XVIIIe siècle dans le commerce, non seulement des vins, mais aussi des produits exotiques et des hommes et femmes arrachés à l’Afrique pour être vendus comme esclaves aux Amériques. Elle conserve de ce temps une remarquable unité architecturale. Les quais sur la Gironde, la place de la Bourse, la place du Parlement offrent des perspectives bordées de maisons et d’hôtels particuliers qui illustrent l’architecture classique. Son Grand-Théâtre est sans doute un des plus beaux d’Europe. La ville s’ouvre sur l’estuaire que l’on peut descendre en bateau pour découvrir les « carrelets » (petites constructions en bois sur pilotis qui portent des filets de pêche carrés) et contempler la fusion des eaux de la Garonne et de l’Atlantique.

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Sortir de Bordeaux, c’est accéder à des paysages vallonnés, semés de villages viticoles anciens, de manoirs et de châteaux, avec des milliers de pieds de vigne, une véritable mer, verte en été, rousse en automne. On dit que l’Aquitaine est le plus grand vignoble de vins fins du monde. Plus d’un milliard de bouteilles sortent chaque année de ses « chais », vastes caves souvent voûtées, situées au sous-sol de vieilles demeures ou de châteaux : Château-Margaux, Château-Olivier, Château-Yquem. Au célèbre Château-Laffite-Rothschild, l’architecte espagnol Ricardo Boffil a construit de vastes chais aux formes contemporaines.

Il y a les rouges : le Médoc, le Saint-Émilion, le Pomerol. Il y a les blancs : le Sauternes, le Graves, l’Entre-deux-mers, le Côte de Blaye. Chaque vin a ses nuances issues de la composition du terroir (cailloux, graviers, sables, calcaires), des climats (durée de l’ensoleillement, exposition au lever du soleil, humidité). Les vins sont dits d’Appellation d’Origine Contrôlée (A.O.C.), car l’étiquette indique précisément la région de production. Ils sont classés en « Grand cru », « Premier cru », « Cru bourgeois ». Le tout est testé en fonction de la qualité et du millésime (l’année de production).

Il faut savoir goûter le vin, connaître sa température de dégustation : chambré (15 à 18 degrés pour le rouge), frais (8 degrés pour le blanc sec), très frais, (6 degrés pour le blanc moelleux). Surtout ne pas l’avaler d’un trait, ce n’est pas de la vodka ! Il faut regarder d’abord sa robe (sa couleur), puis le sentir. Il peut être « boisé » par les senteurs de bois des chais, il peut avoir une senteur épicée, fruitée, selon les millésimes. On peut alors le « prendre en bouche » pour en apprécier la première saveur, attendre un peu pour voir son « évolution », c’est-à-dire comment il libère en bouche ses différents arômes, enfin on le boit par petites gorgées afin d’en apprécier toute la saveur…

Aller à Saint-Émilion permet de contempler à la fois le site extraordinaire d’une petite ville juchée sur deux collines, avec ses églises, son château, ses étroites rues bordées de maisons médiévales et de faire connaissance avec ses caves. Après, on peut changer de terroir et aller vers le Médoc où l’on trouve le Margaux et le Saint-Estèphe, ou vers Pomerol. Plus loin, il y a aussi le Jurançon (Béarn) et le Bergerac (Périgord). On peut boire ces vins, par exemple, avec du foie gras, des confits d’oie ou de canard ou des truffes du Périgord. Et puis, il y a aussi l’eau-de-vie de raisin : le célèbre Cognac et l’agréable Armagnac.

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Depuis longtemps humanisée, la région garde des traces dont les plus anciennes remontent à plus de 40 000 ans. Le détour à Lascaux permet, à défaut de visiter la grotte originelle désormais interdite au public, de voir sa reproduction à l’identique. La reconstitution des formes de la grotte, l’utilisation des mêmes couleurs et des mêmes techniques étudiées sur les originaux peints il y a 19 000 ans, donne une idée précise de l’art préhistorique : chevaux à gros ventre, cerfs, têtes d’oiseaux, aux couleurs noires et ocres. À Puech-Merle, plus au sud, on peut voir les galeries et les gravures originelles avec leurs représentations de chevaux, de mammouths, des empreintes de mains et même des empreintes de pas. Près de l’abri où fut découverte une sépulture de l’homme de Cro-Magnon (vers 35 000 ans avant notre ère), le musée des Eyzies-de-Tayac réunit une série de vestiges préhistoriques passionnants.

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Les XII-XVes siècles ont laissé des châteaux forts et des bastides. Entre autres, l’impressionnant château de Bonaguil qui est une rude forteresse solitaire, perchée sur un rocher au milieu des forêts. Il est avec son donjon, ses tours et son système de défense, un parfait exemple d’architecture militaire, dans un paysage de rêve.

Les populations menacées par d’incessantes guerres se sont regroupées dans des bourgs fortifiés, les bastides. Les maisons sont disposées selon un plan en damiers. Le centre de la bastide est une place rectangulaire, lieu de rencontres, de foires, de manœuvres militaires. Maisons à pans de bois, maisons en pierres et arcades bordent rues et places. Elles forment un pittoresque décor, propice aux tournages de films en costumes, d’histoire et de légende. A Sarlat, au détour de rues moyenâgeuses ou Renaissance, on trouve la maison de l’écrivain et philosophe La Boétie. Il fut, au XVIe siècle, le tendre ami de Montaigne. Il nous amène naturellement près de Bergerac, à Saint-Michel-de-Montaigne.

Dans le petit château à cour carrée entouré de remparts se trouve la fameuse « librairie ». C’est une pièce au premier étage d’une tour ronde : une cheminée, une simple table, un fauteuil, sur les poutres du plafond des maximes sont gravées. Là, se trouvait la bibliothèque de Montaigne, les quelques centaines de volumes que se devait d’avoir lu « un honnête homme » du XVIe siècle.

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Homme public, gentilhomme de la Cour du roi, modérateur entre protestants et catholiques lors des guerres de religion, Montaigne refuse pourtant le rôle de conseiller que lui avait proposé Henri IV. Il préfère approfondir sa culture humaniste. Il voyage en France, en Italie, en Allemagne. Il publie son Journal de voyage. Il veille sur les terres que son épouse fait fructifier. Il s’y installe dès l’âge de 38 ans. Il écrit Les Essais, pour, dit-il, « décrire l’homme et plus particulièrement lui-même ». L’immensité de son savoir le laisse face à une éternelle interrogation : « Que sais-je ? » et à une profonde humilité : « philosopher, c’est apprendre à mourir ».

Plus tard, au XVIIIe siècle, siècle des Lumières, un autre philosophe, Montesquieu, publie une satire de la vie française vue à travers les yeux d’un personnage exotique : Les Lettres persanes. Dans L’Esprit des Lois il énonce la théorie de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Ce sera une idée essentielle de la Révolution de 1789. C’est la base de la démocratie moderne. Né à La Brède près de Bordeaux, il s’est consacré au développement de ses domaines. Il y reçoit ses amis français et étrangers. Il nous livre cette phrase pleine d’humour : « Je ne sais si mes vins doivent leur réputation à mes livres ou mes livres à mes vins ». Le château de La Brède, château des XII-XVes siècles, avec ses hauts murs couronnés d’un toit pentu et entourés d’un plan d’eau dans lequel ils se mirent, se visite aujourd’hui. Il conserve les souvenirs de Montesquieu.

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D’autres souvenirs, moins philosophiques, mais en partie liés à une certaine mémoire de la Russie, peuvent être évoqués plus au sud, à Biarritz sur la côte atlantique. Biarritz, station balnéaire prestigieuse, issue d’un petit village de pêcheurs dont le site est ponctué de plages, de falaises abruptes, d’îlots déchiquetés, devient, après que l’impératrice Eugénie, l’épouse de Napoléon III, l’a découverte en 1854 : « la reine des plages et la plage des rois ». Parmi les riches bâtiments du XIXe et du début du XXe siècle, on voit l’église orthodoxe à coupole bleue née de la fréquentation assidue de l’aristocratie russe avant la Révolution. Ici est née l’expression « faire la tournée des Grands Ducs ». Cette expression évoquait les fortunes dépensées en fêtes somptueuses par les aristocrates russes. Maintenant, elle désigne tout simplement pour les Français la déambulation d’un café ou d’un restaurant à un autre, en ne lésinant ni sur la consommation ni sur la dépense.

Aujourd’hui, les vagues de Biarritz font de sa plage un des hauts lieux d’un sport tout autre, le surf... si près et si loin de Bordeaux et de ses vins.

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