Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №12/2008

Les Routes de l’Histoire

Trois révolutions en une seule

1. La révolution éducative

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Le gouvernement profite de l’été pour réfléchir à des changements. Pour satisfaire la jeunesse, on décide de réformer l’école.

La réforme est menée par le nouveau ministre de l’Éducation nationale Edgar Faure. C’est l’Université qu’on réforme en premier lieu. Les examens sont remplacés par le contrôle continu, c’est-à-dire des exercices plus nombreux au cours de l’année et dont on fait la moyenne. Le plus grand changement est dans l’organisation universitaire, où les étudiants et les jeunes professeurs entrent dans les conseils d’administration. À Vincennes est créée une université expérimentale très ouverte aux non-bacheliers et aux étrangers. Les travailleurs peuvent suivre des cours dans la soirée et, pour la première fois, on enseigne des matières nouvelles, comme le cinéma ou le théâtre.

Plus largement, c’est tout le système scolaire que l’on décide de transformer.

En 1969, la mixité se généralise rapidement et avec elle, dès 1970, on autorise le pantalon à l’école pour les filles, la blouse n’est pas obligatoire. Sur la demande des parents qui veulent partir en week-end et profiter de leur temps libre avec leurs enfants, on supprime les cours le samedi après-midi. Pour mieux équilibrer la semaine, à partir de la rentrée de 1972, le jour de congé hebdomadaire n’est plus le jeudi mais le mercredi.

On rêve de l’école où les enfants seraient heureux. Apprendre doit être un plaisir. Le travail devient plus intéressant, plus créatif. Les cours donnent plus d’importance à l’oral, aux discussions. On privilégie les exercices à partir de documents, les enquêtes sur le terrain, les sorties. On encourage les classes de neige, de nature et de mer. Les compositions qui faisaient peur aux élèves, sont remplacées par des contrôles réguliers ; les dictées sont maintenant préparées en classe pour que les enfants ne soient pas découragés par leurs nombreuses fautes. Dans beaucoup d’écoles et de collèges, on approuve la suppression des places et des récompenses, qui découragent les plus faibles et suscitent les jalousies. Ce qui compte, ce sont les progrès de chaque enfant. Les jeunes enseignants, enthousiastes, adoptent ces nouvelles idées. Ils ne veulent plus faire appliquer les règles qu’ils ont eux-mêmes subies et refusées. Certains contestent le système de notes et préfèrent l’évaluation par lettres (un A correspond à un bon travail, un C à un travail moyen). D’autres acceptent d’être tutoyés. L’estrade est supprimée, les tables sont installées en cercle pour que le professeur soit au milieu des élèves. Les rapports maître-élève changent : moins d’autorité, plus de confiance. Les punitions deviennent plus rares : la suppression des devoirs supplémentaires et des retenues oblige professeurs et surveillants à régler les problèmes de discipline par le dialogue. On préfère discuter avec l’élève. On voudrait qu’il comprenne lui-même ses erreurs et modifie son comportement. On espère que l’élève sera plus autonome. Les devoirs à la maison sont supprimés à l’école primaire par souci d’égalité (tous les parents ne pouvant pas aider leurs enfants) et pour alléger la journée de travail, déjà longue.

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Les étudiants écoutent la musique.

En effet, tous ne sont pas d’accord avec ces réformes, et les plus anciens gardent leurs méthodes traditionnelles. Les conflits sont ouverts entre jeunes enseignants et leurs aînées, plus sévères. Les élèves, eux, sont parfois perdus car ils changent de méthode selon les cours et les enseignants. Mais on peut dire qu’une nouvelle façon d’enseigner s’installe. Pour encourager leur sens de responsabilité, à tous les niveaux, le ministre crée la fonction de délégué de classe dès la rentrée de 1968. Élu par ses camarades, le délégué donne des avis et formule des propositions sur la vie de l’établissement. Il peut aussi prendre la défense de ses camarades. C’est tout à fait nouveau. Au lycée, les discussions organisées entre les professeurs et les élèves font aussi bouger les règlements. Presque tous organisent un foyer, où les élèves peuvent discuter ou écouter de la musique.

Après quelques années, beaucoup de ces expériences, pas toujours appréciées par des parents sont abandonnées.

(d’après Claude GRIMMER, Une nouvelle école)

2. La révolution sexuelle

De nouvelles habitudes s’instaurent : l’union libre, le « mariage à l’essai » entre deux jeunes (qui justement ne se marient pas), les premières tentatives de partage des tâches ménagères.

Parallèlement s’affirme le mouvement féministe. Sa première apparition publique, le 26 août 1970, prend la forme d’un dépôt de gerbe à la femme d’un Soldat inconnu, à l’Arc de Triomphe. La contestation du machisme commence. En 1971, plusieurs centaines de femmes revendiquent la liberté d’avorter ; c’est le Manifeste des 3431 publié par Le Nouvel Observateur, un combat qui se traduira finalement par la loi Veil du 17 janvier 1975. La lutte pour la reconnaissance du caractère criminel du viol prend le relais. Avec succès.

Les années féministes

Elles ont 20 ans en 1968 et aimeraient bien être « libres », autonomes et révolutionnaires. Les féministes renoncent à l’attirail traditionnel de la séduction féminine, talons aiguilles, jupe étroite et rouge à lèvres. Au début des années 1970, les jeunes soixante-huitardes, et derrière elles toute une génération, veulent rompre avec un certain rôle de la femme et, donc, avec une certaine image: elles ont envie de se présenter au monde autrement. Elles refusent de s’habiller comme leurs mères et leurs aînées.

Nous en parlons avec Benoîte Groult.

– Témoin et actrice de la montée du féminisme en France, comment avez-vous traversé cette période ?

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Benoîte Groult : Je l’ai vécue d’autant plus intensément que j’appartenais à ce milieu de la mode et de l’art, puisque mon oncle était le couturier Paul Poiret – qui avait libéré la femme du corset dans les années 1920 – et ma mère avait une maison de couture. Cela m’a paru une véritable libération féministe. Toute mon enfance, j’avais été obsédée par l’obligation de beauté et de séduction qu’on imposait aux filles. J’ai eu 16 ans en 1936 et, à cet âge, en ce temps-là, on entrait dans la catégorie horrible des jeunes filles à marier : on passait, dans les grands magasins, directement du rayon fillettes au rayon dames. Si, à 25 ans, on n’était pas mariée, on entrait dans une autre catégorie horrible, celle des vieilles filles, redoutable archétype de la littérature des deux derniers siècles : on devenait la parente pauvre, et on était considérée comme forcément moche. Donc, il fallait tout faire pour être demandée en mariage, et d’abord se mettre en scène...

Je me suis trouvée très mal quand, du jour au lendemain, on m’a dit : « Il faut porter des chaussures à talons, il faut te faire faire une indéfrisable, il faut apprendre à danser. » Tout pour plaire aux hommes. Ma mère m’a mise en demeure d’aller à la Sorbonne avec des chapeaux à voilette et des tailleurs haute couture.

En 1968, tout artifice paraissait suspect. On n’avait plus l’obligation d’être belle, mais naturelle. Quelle libération, quel bonheur ! J’ai eu l’impression de naître ! J’avais déjà plus de 40 ans, mais j’ai commencé à vivre. Je n’étais plus obligée de porter les robes haute couture de ma mère. On n’était plus sommée d’obéir aux canons de la beauté. On pouvait desserrer les carcans, s’habiller comme on s’aimait : en hippie, en grande robe gitane, en pantalon, en sari, on se teignait les cheveux. On a jeté la détestable ceinture à bas, qui vous sciait la taille et qu’on faisait tenir avec une pièce de 10 sous quand le caoutchouc était cassé. On portait gaillardement les collants si pratiques que les hommes n’aimaient pas... Les femmes étaient libérées des critères de la jeune fille rangée, auxquels on les avait contraintes depuis toujours.

– Et les hommes, comment ont-ils réagi ?

– Au début, ils étaient débordés, dépassés, et parfois amusés. C’était un spectacle, les années 1970, un peu une fête permanente. Et puis, très vite, ils ont vu le danger. Ils ont compris qu’il leur fallait reprendre les choses en main et que la société de consommation n’aurait rien à gagner à ce que les femmes s’habillent n’importe comment. Il n’y avait plus de critères, on avait besoin de tout casser. Des hommes ont soudain découvert qu’ils vivaient avec une étrangère qui ne portait plus son collier de perles et ne courait plus derrière la longueur de son ourlet en fonction des diktats de la mode.

– Les canons traditionnels de la beauté féminine auraient donc servi de masque à l’essence même de la féminité, qui se serait imposée dans les années 1970 ?

– Dans le même temps, le triomphe des jeans, qui a commencé à cette époque, a fait un défi aux différences sexuelles. Ces merveilleux jeans ! J’aurais rêvé, jeune fille, d’avoir ces vêtements qui permettent de se fondre dans le troupeau. On avait tellement été catégorisées comme des petites poupées Barbie avant la lettre, et soudain on pouvait s’habiller comme un garçon.

img4Il ne fallait surtout pas s’habiller en bourgeoise. Il y avait un refus de s’identifier (par le vêtement ou l’allure) aux femmes convenables de la génération précédente.

Ces vêtements permettaient aussi au corps de s’exprimer, d’avoir une liberté totale de mouvements. On avait derrière nous des siècles de crinolines, de corsets, de chapeaux extravagants. Ce fut une libération non seulement physique mais mentale et morale. On s’est même mises à trouver du charme aux hommes avec des cheveux longs ou des queues de cheval, alors que nos mères décrétaient qu’ils ressemblaient à des sauvages.

– Et aujourd’hui ?

– Être mal habillée, c’était une conquête, une provocation. Mais on ne montrait pas grand-chose à côté de la provocation d’aujourd’hui. Et personne ne dit : vous êtes ridicules, vos talons aiguilles vous torturent les orteils, vous aurez mal au dos plus tard. Ces femmes que je vois dans les aéroports sur leurs talons de 12 centimètres, en jupe serrée, traînant de lourdes valises, je les regarde avec la même pitié que je considère les femmes voilées.

– Pensez-vous qu’on revient à une conception machiste de la beauté ?

– Complètement. Les grands couturiers sont tous des hommes, aujourd’hui. Finies les Coco Chanel, Jeanne Lanvin, Grès, Schiaparelli. On ne peut pas faire un discours à l’Assemblée nationale avec une tenue comme on en voit dans les magazines féminins. On ne peut pas non plus parler philosophie ni diriger une entreprise. Le fait que nous soyons de nouveau si soumises aux diktats de la mode prouve que nous sommes très vulnérables et encore imprégnées de l’idéologie traditionnelle. C’est désespérant ! Comme si la révolution de 1968 n’avait servi à rien. Des seins siliconés, des lèvres gonflées artificiellement, des cuisses liposucées... On impose une beauté féminine stéréotypée qui est un esclavage.

– Les féministes, qu’ont-elles refusé, au juste ?

– L’image que les hommes se faisaient de la femme et de la beauté : Cendrillon, la Belle au bois dormant, une certaine fragilité, une douceur, un sourire. Le sourire des femmes, c’est effrayant ! C’est comme un uniforme. Regardez les émissions de télévision : les femmes se croient toujours obligées de sourire. Il faut toujours se conformer à l’image de la « jolie femme ». Et une jolie femme doit sourire. Les Françaises, en particulier, ont ce défaut de toujours vouloir plaire aux hommes. Elles sont trop gentilles. Il faudrait qu’on ait le courage d’être sérieuses et d’oublier notre bonne éducation de petites filles modèles.

(L’Express du 21/08/2003)

3. La révolution sociale

Les salariés, classe ouvrière et classes moyennes bénéficient des avancées du mouvement de Mai. L’introduction de la mensualisation des salaires, la reconnaissance des sections syndicales dans les entreprises, l’instauration du SMIG constituent autant de conquêtes et forment un nouveau paysage : le SMIG bondit de 35 %, les salaires de 10 %, les chômeurs sont largement indemnisés. On ne brûle pas les voitures, on les adore…


1 Dont Simone de Beauvoir

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