Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №15/2008

Les Routes de l’Histoire

Alla CHEÏNINA

La Première Guerre mondiale – 90 ans après

« La guerre sera fraîche et joyeuse. »
Guillaume II,
empereur d’Allemagne

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À l’aube du XXe siècle, la France rayonne. République solide et deuxième empire colonial du monde, elle profite également d’un dynamisme économique et d’une diplomatie incontestables. Cependant, l’équilibre est fragile en Europe. Tout le monde le sait, tout le monde l’attend : la guerre va éclater. Il suffit d’une étincelle pour embraser l’Europe. La mèche est allumée le 28 juin 1914.

Aujourd’hui, la Grande Guerre, le premier cataclysme du XXe siècle, n’est plus qu’un souvenir. Souvenir émouvant et effroyable. Émouvant par la masse de témoignages – lettres, carnets de guerre, dessins – laissés par des soldats voués au sacrifice. Effroyable pour ses 10 millions de morts dans le monde, ses 6,6 millions de victimes civiles et ses 20 millions de blessés, dont la moitié mutilés1. Et on ne compte pas tous ceux qui sont morts à petit feu, les poumons bouffés par le gaz toxique, ni tous ceux, traumatisés, qui n’ont jamais pu réellement reprendre une vie normale après être restés parfois pendant des mois dans la boue froide des tranchées. Beaucoup d’entre eux avaient entre 18 et 25 ans.

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Insensée et tragique, la Grande Guerre, dont les enjeux étaient complexes (la France, en particulier, devait récupérer avant tout, l’Alsace et la Lorraine) a duré quatre ans, de 1914 à 1918. Elle a déterminé l’effondrement de trois empires. Elle a ruiné des provinces sur les fronts occidental et oriental. Elle a été la première guerre industrielle, celle des inventions techniques, des productions massives, des mobilisations générales de toutes les ressources humaines. Les victimes de la Grande Guerre étaient de toutes nationalités et de toutes origines, d’Europe, d’Amérique du Nord, des peuples colonisés en Inde, en Indochine, en Afrique. Elle s’est faite partout : sur terre et sous terre, sur l’eau et sous l’eau, dans les airs. Elle s’est faite par tous les moyens : dès bombardements aux chars d’assaut, dès gaz au phosphore. Et ce sera la dernière guerre des hommes. Les armes automatiques, les explosifs puissants, les ogives d’acier, les produits chimiques vont transformer l’infanterie, la reine des batailles, en auxiliaire de la production industrielle.

Le dernier combattant français, le dernier témoin de cette effroyable boucherie, est mort en février 2008, à l’âge de 110 ans. Il s’appelait Lazare Ponticelli. Un ancien combattant sur les 41 millions de Français qui ont été engagés pour la guerre qui devait être la dernière, « la der des ders2 », comme ils disaient. Le jour, où il a disparu, il en est fini de la mémoire vivante de 1914-1918. Il n’y a plus en France de témoin direct de ces combats.

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Avec sa mort, une page d’histoire se tournera-t-elle ? Va-t-on renvoyer dans l’oubli ces millions d’hommes et de femmes dont la vie a été détruite par la guerre ? Va-t-on continuer à se souvenir ? Année après année. Pour que chacun sache qu’à ce genre de jeu, il n’y a jamais de vainqueurs. Seulement des larmes, du sang et de la souffrance.

90 ans après la fin de ce conflit mondial, il est à craindre que l’héritage de cette « sale guerre » puisse devenir « trop lourd » pour la mémoire collective.

Mais non, au contraire ! La transmission du souvenir de 1914-1918 n’a jamais été aussi vivace. Le contexte international incite à repenser aux conséquences d’un conflit que l’on croyait appartenir à un autre âge. Près d’un siècle après la fin de ce premier conflit mondial, les hommes continuent de faire couler le sang. La Grande Guerre ne semble pas avoir livré tous ses enseignements. Partout on constate une même demande sociale de mémoire. Mais les pays européens vivent ces processus de manière différente. En Russie, parler de la Grande Guerre, longtemps effacée, c’est remettre la révolution bolchevique de 1917 dans une autre perspective, ce qui n’est pas simple. L’Allemagne ne peut accepter aisément une histoire de cette guerre affranchie de l’ombre du nazisme. En histoire, les faits passés ne se séparent pas de leur présence dans notre vie actuelle. Une raison de plus pour continuer d’entretenir sa mémoire.



1 Mutilé – personne qui a subi une amputation, devenue infirme, généralement par fait de guerre ou par accident.

2 « La dernière des dernières ».

 

La chronologie des événements

1914 – la première année de la guerre, celle des illusions perdues, des fusillés1, des violences, des fraternisations2.

1915 – l’année la plus longue, celle du massacre de l’infanterie (320 000 soldats tombés).

1916 – l’année de Verdun et de la Somme, qui a épuisé davantage l’adversaire que les Alliés français et britanniques.

1917 – l’année la plus difficile, terminée par la perte de l’allié russe, qui s’était mis en révolution et avait ainsi permis le passage de renforts allemands d’est en ouest.

1918 – le cauchemar des bombardements des villes par des canons à longue portée. Quand le front s’est défait et que l’armée allemande s’est retirée, on a respiré. Enfin ! L’Europe sort de la Grande Guerre absolument différente : épuisée, horrifiée, modernisée de force. Les conséquences de la guerre durent jusqu'à nos jours. En Picardie et en Champagne les labours révèlent chaque année des obus intacts, prêts à éclater. Le feu, les souffrances, la peur, la mort, la folie, la barbarie – tout ça, c’est la guerre...



1 On compte environ 600 fusillés en France, 750 en Italie, 330 en Angleterre au cours de la Première Guerre mondiale. En France, les exécutions ont été plus nombreuses aux cours des premiers mois du conflit. Les mutinés trop souvent confondus avec les fusillés, représentent moins d’un dixième de l’ensemble des fusillés entre 1914 et 1918. Abandon de poste, désertion, refus d’obéissance, outrages sur un supérieur sont les principaux motifs de condamnation à mort.

2 Ce sont les relations qui s’établissent entre soldats ennemis d’une tranchée à l’autre, à l’occasion de brèves trêves, marquées parfois par des échanges de ravitaillement, journaux etc. Elles sont interdites par les autorités et sévèrement punies.

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