Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №15/2008

Les Routes de l’Histoire

Les taxis de la Marne

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Le plan français se fixe d’abord pour objectif de récupérer l’Alsace et la Moselle, les provinces perdues en 1870, et néglige la frontière du Nord. Monstrueuse erreur ! Pénétrant en Belgique, les Allemands pensent encercler les Français, lancent une violente offensive et menacent Paris. Le 2 septembre 1914, ils sont déjà à Senlis (la capitale n’est plus qu’à 45 kilomètres !). Mais le général Joffre1 organise la retraite, et lance une contre-offensive : c’est la bataille de la Marne. Gallieni, nommé gouverneur de Paris, imagine alors un moyen pour conduire au plus vite 10 000 soldats sur le front : le transport par taxi ! C’est ainsi que les taxis parisiens transportent les troupes fraîches qui, avec les Britanniques, contribueront à la victoire de la Marne2.

Les Allemands reculent, mais leur objectif est de s’emparer des ports du Pas-de-Calais. C’est aussi l’objectif des Français. Une course à la mer s’engage alors, du 18 septembre au 15 novembre. Malgré des batailles meurtrières, aucune armée ne peut prendre l’avantage. Une double ligne de tranchées naît alors sur 700 km, de la mer du Nord à la Suisse. Le but est d’anéantir l’ennemi par d’incessants bombardements et d’épuiser ses forces offensives. Cette guerre durera plus de trois ans et demi !

L’enfer des tranchées

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La guerre de mouvement se transforme en guerre de position : les deux armées se font face et creusent des tranchées pour se protéger. Le mot même de « tranchée » renvoie à toute la souffrance des soldats de la Première Guerre mondiale. Souffrance dont certains ont voulu donner un témoignage : « On couche dans les trous ; la paille qui est dedans y est depuis un mois, c’est là qu’on prend la vermine. Le froid m’a gelé la pointe des pieds ». Ce récit d’un soldat en décembre 1914 illustre bien ce qui sera pour beaucoup la vie dans les tranchées : l’enfer permanent ! Plus de coup décisif, plus de charge héroïque, mais la boue, l’ennui, la peur, et le chaos.

Les tranchées – ce sont d’abord de simples trous, où les soldats se terrent, puis les galeries. On creuse deux lignes de tranchées : la première face à l’ennemi, la seconde servant de soutien et abritant les forces de réserve, en vue d’une future attaque. Le but de la tranchée est double : défendre les positions occupées et préparer la percée du front adverse par des charges rapides et nombreuses. Les tranchées sont reliées par des boyaux3, bordées de refuges précaires éclairés de lampes à pétrole. Le soldat y vit dans une insécurité constante : les sapeurs ennemis creusent parfois sous les tranchées des galeries où sont disposées des mines qui explosent ! La peur, le froid, la faim, des rats, des cadavres qui se décomposent - l’existence des poilus est terrible.

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En toute saison, la vie du soldat est rythmée par le bruit du canon et de la mitraille, au point que le silence paraît suspect. L’attente est en effet la principale activité de ces soldats, menacés d’une attaque-surprise, ou appelés à sortir des tranchées pour attaquer l’adversaire. Pour des raisons de sécurité, la nouvelle n’est connue qu’au dernier moment. Les soldats vivent ainsi dans l’angoisse et l’attente du combat. L’univers du soldat des tranchées, c’est d’abord la terre, qui se transforme en boue dès les premières pluies. Le combattant finit par faire corps avec cette terre qui lui colle à la peau.

L’eau est rare. La vermine est l’hôte privilégié de ces corps sans soin, tandis que les rats grouillent dans cet univers. Manger abondamment est une obsession. En deuxième ligne, on peut obtenir une ration chaude grâce aux cuisines roulantes. Au feu, c’est impossible. Alors, les « hommes-soupe » vont au ravitaillement. Ils parcourent des kilomètres pour ramener des bouteillons (récipients) de soupe et de viande, des boules de pain, des bidons d’eau. De son sac, l’homme-soupe tire aussi le plus précieux des colis : le courrier, les journaux, les nouvelles du pays et de la famille. Ceux qui ne sont pas mariés ont toujours une « marraine de guerre4 » qui leur écrit régulièrement

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La mort est le principal compagnon du soldat. Il la côtoie à tout moment. Un jour un obus tue son voisin, le lendemain une sortie laisse plusieurs de ses camarades morts dans le no man’s land, situé entre les lignes allemande et française. Mais dans cette zone, si la mort n’est pas immédiate, l’agonie peut durer des jours, sous le regard impuissant des soldats revenus à l’abri. L’utilisation massive de l’artillerie provoque des blessures atroces, un obus peut déchiqueter un homme sans qu’il en reste rien. Les soldats vivent un vrai enfer des tranchées.



1 Joseph Jacques Césaire Joffre (1852-1931), était un officier militaire français pendant la Première Guerre mondiale, responsable de la bataille de la Marne et de la stabilisation du front nord au début de la guerre. Il a été nommé maréchal de France en 1916.

2 Le 29 août, sur le front de l’est, les Russes sont vaincus à Tannenberg.

3 Fossé en zigzag reliant des tranchées.

4 Soutenir le moral des soldats : telle est la mission des marraines de guerre. Cette institution populaire née durant la Première Guerre mondiale a laissé un souvenir marquant.

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