Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №15/2008

Les Routes de l’Histoire

« Les pantalons rouges »

Dès les premières semaines de la guerre, la France a perdu plus de 50 000 hommes. Les Allemands beaucoup moins. Cela tient à la différence de tactique de combats : les Français s’avancent vers l’ennemi le fusil à la main, la baïonnette au canon, en terrain découvert, vêtus d’un uniforme qui comporte un pantalon rouge ! Ce pantalon les fait aisément repérer par les Allemands qui, eux, se cachent dans les replis des terrains de combat, et attendent les offensives françaises derrière leurs puissantes mitrailleuses ! Les officiers français qui ont surtout fait des guerres coloniales et croient obstinément que seule l’attaque est l’attitude la plus efficace, apprennent à leurs dépens que le rouge est visible de loin – contrairement au kaki des Allemands. « Se faire tuer sur place plutôt que de reculer », tel était l’ordre du jour du général Joffre. Les malheureux « pantalons rouges » n’avaient pas besoin d’ordres pour mourir : des tombes, des cadavres d’hommes et de chevaux sont sur toute l’étendue du champ de bataille.

Journal d’un soldat

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Blessé le 9 septembre 1914 par un éclat d’obus, pendant la première bataille de la Marne, Léon Hugon est envoyé à l’hôpital de Tulle où il est mort du tétanos le 22 septembre 1914, le jour de l’anniversaire des 25 ans de sa femme Sylvaine, qui restait seule avec un petit garçon de deux ans et demi.

Tulles, le 18 septembre 1914

Bien chère Sylvanie,

Je ne peux pas m’empêcher de te dire que je suis dans une très mauvaise position, je souffre le martyre, j’avais bien raison de te dire avant de partir qu’il valait mieux être mort que d’être blessé, au moins blessé comme moi.

Toute la jambe est pleine d’éclats d’obus et l’os est fracturé. Tous les jours quand on me panse, je suis souffrant, lorsque avec des pinces, on m’enlève des morceaux d’os ou des morceaux de fer. Bon Dieu, que je souffre !

Je t’assure que c’est triste dans ma chambre, nous sommes 29, personne ne peut se bouger, des jambes cassées et des bras ou de fortes blessures et presque tous des réservistes comme moi….

Enfin, ma chère Sylvanie, ne te fais pas de mauvais sang, je m’en fais pas parce que je suis pas seul, vis en espoir et si jamais je reviens, je verrai mon fils grandir… Il faut espérer que tout ce que je dis là, arrive. Prie Dieu pour moi, qu’il me délivre de la souffrance.

Je t’embrasse très fort sur chaque joue avec Gaston le petit chéri.

Ton cher ami Hugon Léon.

Les fusillés « pour l’exemple ».

Journal d’un soldat

Comme 24 autres poilus injustement accusés d’avoir reculé devant l’ennemi, Jean Blanchard a été jugé et fusillé avec cinq de ses camarades, à Vingré le 4 décembre 1914. Il avait 34 ans et cette lettre est écrite la veille de son exécution à son épouse Michette. Réhabilité le 29 janvier 1921, Jean est un des six Martyrs de Vingré.

3 décembre 1914, 11 : 30 du soir

Ma chère Bien-aimée,

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C’est dans une grande détresse que je me mets à t’écrire, et si Dieu et la Sainte Vierge ne viennent en aide, c’est pour la dernière fois. Je suis dans une telle détresse et une telle douleur que je ne sais trouver tout ce que je voudrais pouvoir te dire, et je vois d’ici, quand tu vas lire ces lignes, tout ce que tu vas souffrir, ma pauvre amie, qui m’est si chère.

Pardonne-moi tout ce que tu vas souffrir par moi. Car je suis dans la position la plus terrible qui puisse exister, car je n’ai plus longtemps à vivre, à moins que Dieu, par un miracle de sa bonté, ne me vienne en aide.

Je vais tâcher en quelques mots de te dire ma situation, mais je ne sais si je pourrai, je ne m’en sens guère le courage.

Le 27 novembre, à la nuit, étant dans une tranchée face à l’ennemi, les Allemands nous ont surpris, et ont jeté la panique parmi nous ; nous nous sommes retirés dans une tranchée. Résultat : une dizaine de prisonniers. Pour cette faute, nous avons passé aujourd’hui (24 hommes) au Conseil de guerre et hélas ! Nous sommes six pour payer pour tous, je ne puis t’expliquer davantage, ma chère amie, je souffre trop.

Le 1er décembre, quand j’ai vu l’accusation qui était portée contre nous, j’ai pleuré une partie de la journée et n’ai pas eu la force de t’écrire. Adieu, ma Michèle, adieu ma chérie, puisque c’est la volonté de Dieu de nous séparer sur la terre, j’espère bien qu’il nous réunira au ciel.

Ce qui me fait le plus souffrir de tout, c’est le déshonneur pour toi, pour nos parents et nos familles, mais crois-le bien, ma chère bien-aimée, sur notre amour, je ne crois pas avoir mérité ce châtiment, pas plus que mes malheureux camarades qui sont avec moi…

img3Pardonne-moi tout ce que tu vas souffrir par moi, ma bien-aimée, toi que j’ai de plus cher sur la terre, toi que j’aurais voulu rendre si heureuse si j’étais retourné près de toi… Sois bien courageuse !

Mes pauvres parents, ma pauvre mère, mon pauvre père, que vont-ils devenir quand ils vont apprendre ce que je suis devenu ? O Michèle, prends-en bien soin de mes pauvres parents, tant qu’ils seront de ce monde. Sois leur consolation et leur soutien dans leur douleur. Dis-leur bien que je n’ai pas mérité cette punition si dure, assiste-les à leurs derniers moments et Dieu t’en récompensera. Je te rends la parole que tu m’as donnée de m’aimer toujours et de n’aimer que moi. Tu es jeune encore, reforme-toi une autre famille. Si tu trouves un mari digne de toi, épouse-le. Et ne m’oublie pas dans tes prières…. Au revoir là-haut, ma chère épouse.

Jean

Quelque 2 400 condamnations à mort sont prononcées pendant le conflit et près de 600 hommes sont exécutés. Ces soldats français sont tombés sous les balles de leurs propres frères d’armes.

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