Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №21/2008

Mon amie la langue française

Les apocopes

Vous ne savez peut-être pas ce que c’est… et pourtant vous en faites souvent ! Il suffit que vous disiez : « J’ai vu ça à la télé » ou « Il a une nouvelle moto » ou encore « C’est le prof de maths » au lieu de parler de la télévision, d’une motocyclette ou du professeur de mathématiques… Il y a là un processus intéressant à observer.

L’apocope consiste à supprimer la fin d’un mot. C’est surtout une tournure familière du français oral, mais on en trouve aujourd’hui de plus en plus d’exemples écrits, car ce procédé paraît convenir à une époque où l’on aime aller vite. Et puis la langue française s’y prête mieux que d’autres.

Un phénomène très répandu

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L’apocope des noms communs semble être apparu au XIXe siècle, avec des mots comme kilo (kilogramme) ou fortifs (les anciennes fortifications de Paris).

De nos jours, certains apocopes ont éclipsé la forme originelle du mot : qui parle encore de stylographe ou de cinématographe ? Il est devenu normal de dire stylo et cinéma, ce dernier mot ayant lui-même fait l’objet d’une apocope avec ciné, d’un emploi populaire.

Voici quelques autres exemples d’apocopes solidement implantées : auto – automobile, métro – métropolitain, radio – radiodiffusion, vélo – vélocipède.

La langue courante abrège en premier les mots longs et d’aspect savant :

ampli – amplificateur, manif – manifestation, bac – baccalauréat, gym – gymnastique, imper – imperméable, sana – sanatorium, télécoms – télécommunications, kiné – kinésithérapeute.

Sur le modèle de télécoms, on trouve certains pluriels réguliers : un amphithéâtre – un amphi / des amphis, un laboratoire – un labo /des labos, une promotion – une promo / des promos.

Mais souvent on écrit sans « s » : éco, maths sup, des collègues sympa, ainsi que les monosyllabes : fac (faculté), pro (professionnel), psy (psychologue ou psychiatre), stup (stupéfiant). Certains traitent ces mots comme des abréviations, en les faisant suivre d’un point (l’ambiance des fac., le trafic des stup.) et les puristes mettent des guillemets (les « fac »). Quel est le pluriel correct ? Ce petit problème est mal résolu. Mieux vaut, semble-t-il, laisser ces mots invariables ou leur mettre l’« s » du pluriel chaque fois que c’est possible.

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La lettre « o » à l’intérieur d’un mot favorise la création de l’apocope :

ado – adolescent, croco – crocodile, géo – géographie, météo – météorologie, transfo – transformateur. Sans compter restau, écrit souvent resto par contamination.

D’ailleurs, cet « o » final est si fréquent et paraît si naturel qu’on ajoute volontiers : apéro – apéritif, dico – dictionnaire, facho – fasciste, intello – intellectuel, mécano – mécanicien, prolo – prolétaire.

L’argot pratique beaucoup l’apocope, qui en vient sans doute. Les alloc (les allocations familiales) qu’on lit souvent dans la presse à gros tirage, est-ce encore de l’argot ?

Les noms propres

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Les prénoms ont depuis longtemps fait l’objet d’apocopes :

Alexandre – Alex, Christian – Chris, Clotilde – Clo, Florence – Flo, Marie-Josèphe – Marie-Jo, Véronique – Véro.

Certaines apocopes adjoignent un son ou une lettre différents :

Frédo (Frédéric, abrégé aussi en Fred ou en Frédé), Mado (Madeleine), Gaby (Gabrielle).

Quelques prénoms apocopés ont fini par faire oublier leur forme première :

Léo (Léopold), Max (Maxime ou Maximilien), Théo (Théodore ou Théophile).

Et chaque famille ou cercle d’amis a les siens :

Ben pour Bénédicte, Do pour Dominique, Stan pour Stanislas, voire Mich pour Michel.

Pour les noms de lieu, signalons le boul’Mich (le boulevard Saint-Michel) ou le Sebasto (le boulevard de Sébastopol) à Paris et parmi les noms de ville : Saint-Trop (pour Saint-Tropez).

Enfin, on trouve des marques déposées et des raisons sociales : Frigidaire – frigo (Frigidaire est bien une marque et frigo vient peut-être de frigorifique) ; Mobylette – mob ; Prisunic (chaîne de magasins) – prisu.

L’apocope et l’usage

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Prenons garde à ne pas oublier que la majorité des mots apocopés sont d’un niveau très familier et doivent être évités à l’écrit. La phrase « C’est un institut sympa qui est un vrai accro du foot » a un aspect relâché qui n’est pas de mise dans tous les contextes. Beaucoup d’apocopes, employés tous les jours dans le milieu socioprofessionnel, sont ignorés et souvent incompris ailleurs. Certes, l’apocope est « branchée » et voit s’étendre sans cesse son champ d’application à des groupes de mots : petit déj pour petit déjeuner, à plus pour à plus tard, bon ap pour bon appétit, quatre heures du mat pour quatre heures du matin…

Comme toute mode, celle des apocopes évolue : certaines qui datent de 20 ou 30 ans semblent désuètes à présent, par exemple d’ac à la place de d’accord. On peut donc s’interroger sur la longévité des tournures qui font aujourd’hui florès. Mais, largement promue par la pub et véhiculée par les infos, l’apocope elle-même a de beaux jours devant elle.

L’aphérèse… autre fantaisie

L’aphérèse fait l’inverse de l’apocope : elle supprime le début des mots. Beaucoup moins fréquente que l’apocope, elle s’emploie d’une manière tout aussi familière. La plus courante se trouve dans les mots bus mis à la place de l’autobus et car dit pour autocar.

Il y a aussi des diminutifs de prénoms, plus ou moins connus suivant la vogue de ces prénoms eux-mêmes : Colas pour Nicolas, Line pour Caroline, Naïs pour Anaïs, Polyte pour Hippolyte… De toutes ces abréviations, la plus curieuse est à coup sûr Manu, souvent employée comme diminutif d’Emmanuel(le), puisque cette forme, banale en apparence, résulte à la fois d’une apocope et d’une aphérèse.

(d’après Les Jeux du langage, Éditions Atlas)

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