Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №11/2009

Arts et culture

« Aimer – c’est surtout comprendre... »

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Avec Guy Schoeller

Le 13 mars 1958, Sagan épouse l’éditeur Guy Schoeller, de 19 ans son aîné et réputé grand séducteur. C’est son premier grand amour, sa première passion. Elle aime, elle rêve que Guy la garde auprès de lui. Et elle oublie presque ses souffrances physiques. Guy ressemble à son père, il pourrait être un de ces héros qui, dans ses romans ensorcellent les jeunes filles de son âge. Elle sent enfin que quelqu’un la domine. Il est brillant, intelligent, sûr de lui, un peu cynique, discipliné, aux goûts d’un grand bourgeois : chasse en Afrique de l’Est, littérature, chevaux et belles femmes. En plus de son humour, il a « les yeux gris, l’air fatigué, presque triste, s’en souviendra-t-elle quarante ans plus tard, et je ne pensai pas alors à m’en méfier ».1 Enfin, bref, c’est l’homme de sa vie. A son propos, des années plus tard, elle se souviendra : « Notre rencontre aura été sur certains points comme un violoncelle à l’arrière-plan de ma vie, qu’il dirigea complètement et longuement, sans trop bien le savoir.2 » Leur entente est brève. Assez vite, Guy, cet homme à femmes, est fatigué de la vie du couple et commence à négliger sa jeune épouse, toujours amoureuse de lui. D’autant plus qu’il ne peut pas vivre au rythme que Françoise lui impose : elle se couche au petit matin, se réveille au début de l’après-midi, et avant de se lever, elle écrit dans son lit. Homme d’affaire, Guy se lève tôt pour se rendre à son bureau chez Hachette3. Leurs styles de vie sont incompatibles. Et Guy, le charmeur courtois, se montre cruel et cynique avec Françoise. Pour lui, être fort c’est faire souffrir. Et il fait souffrir Françoise qui, délaissée par son mari, se sent humiliée et s’en veut de ne pas être capable de retenir ce Don Juan de mari. « Elle n’avait envie de rien. Et elle avait peur de rester seule deux jours. Elle haïssait ses dimanches de femmes seules : les livres lus au lit, le plus tard possible, un cinéma encombré, peut-être un cocktail avec quelqu’un ou un dîner et, enfin, au retour, cette impression de n’avoir pas vécu une seconde depuis le matin.4 » Elle souffre, Françoise, passe les nuits folles au casino ou dans les boîtes, mais elle écrit aussi. Enfin elle prend la décision de se séparer de Guy et s’en va, bien que la solitude lui fasse peur. Ils divorceront deux ans plus tard, et Françoise laisse sa douleur s’éteindre lentement.

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Entre-temps, elle publie son roman Aimez-vous Brahms… Un succès littéraire foudroyant. Plus encore pour Dans un mois, dans un an. Son dernier-né, publié en 1961 s’intitule Les Merveilleux Nuages. Le titre, emprunté à Baudelaire, est tiré d’un poème en prose du Spleen de Paris qui résume, une fois de plus, les couleurs de son âme : « J’aime les nuages…. les nuages qui passent, là-bas…, là-bas…, les merveilleux nuages ! » Sagan ne déçoit toujours pas ses lecteurs : ils apprécient sa grâce mélancolique qui transforme en littérature une histoire somme toute banale. Comme elle, ses personnages trompent leur ennui et s’enivrent pour trouver l’illusion du bien-être. Comme elle, ils échappent à la vie, à ce qu’on appelle la vie, échappent aux sentiments, aux amours qui sont toujours éphémères. Sa jeunesse, sa fantaisie, sa fluidité, sa voiture, son élégance font parler d’elle. Et plusieurs titres déjà. Et même les critiques qui ne l’ont jamais ménagée, saluent enfin l’écrivain. Elle souligne du reste, dans Derrière l’épaule : « Les journalistes de tous bords avaient admis péniblement que je n’étais pas seulement un fruit de la publicité, ils me tenaient pour un écrivain. »

« Je sais ce que c’est d’être un arbre avec une nouvelle branche : c’est d’avoir un enfant »

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Françoise Sagan
et son mari Robert Westhoff

Dans cette « vie à l’envers » est née l’envie d’un enfant : « Je voyais une plage, moi sur cette plage avec un petit garçon à côté ».5 Cet enfant, qui va le lui donner ? Il faut que l’homme soit beau, gentil, intelligent. Ce sera Robert Westhoff, un beau sculpteur, céramiste-artiste américain. Il aurait pu, lui aussi, être l’un de ses personnages, par son charme et par son désespoir. En octobre 1961, Françoise se sait enceinte. Et parce que sa mère serait chagrinée de la voir « fille-mère », parce qu’il faut un père légitime à son enfant, elle épouse Bob, comme elle l’appelle, le 10 janvier 1962. « Je me suis mariée la seconde fois par tendresse, par réel goût et aussi par sens des responsabilités. J’attendais un enfant. Bob était fou de joie à l’idée d’avoir un enfant et ma mère se désolait d’avoir une fille-mère », écrit-elle. Un mariage libre, pour faire reconnaître le nouveau-né qui arrive le 26 juin 1962. C’est un garçon. Il s’appelle Denis Jacques Paolo Weshoff. Françoise est enfin heureuse. « Quand on me l’a mis dans mes bras, j’ai eu une impression d’extravagante euphorie », racontera-t-elle. Elle veut que Denis ait, comme elle, une enfance heureuse, ce qu’elle a toujours considéré comme sa principale chance dans la vie. Son Denis tant attendu, tant aimé est « un charmant petit garçon, sage, beau et silencieux. Il a ce côté distant de certains enfants auxquels plaît la solitude »6. Modeste, sensible et courtois, l’enfant a aujourd’hui 47 ans et ressemble à sa mère, surtout quand il sourit. Son second mari et elle se sépareront dix ans plus tard, mais leur amitié survivra à tous les déboires, jusqu’à la mort de Bob, en 1989. Elle n’aura plus d’autre mari ni d’autre enfant. Mais sa carrière littéraire se poursuivra, rythmée par les livres et les pièces régulièrement sortis et toujours gentiment accueillis pour leur style « à la Sagan » davantage que pour une valeur littéraire à laquelle elle n’a d’ailleurs jamais prétendu.



1 Françoise Sagan, Derrière l’épaule.

2 Ibid.

3 Maison d’édition

4 Françoise Sagan, Aimez-vous Brahms ? 

5 Réponses 1954-1974, Jean-Jacques Pauvert.

6 Cité d’après Bertrand Poirot-Delpech, Bonjour Sagan 

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