Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №19/2009

Arts et culture

Igor SHTANEV

Une histoire de l’art du Québec au cœur de la Franco-Amérique1

Sur la terre il n’y a pas beaucoup d’endroits où l’homme, en réunissant dans le seul creuset la nature généreuse, l’esprit créatif et la force humaine, sous le haut patronage de la Providence, qu’on appelait autrefois la bénédiction du Dieu, a créé des villes-lumières.

En Europe tout un chacun les a découvertes dans un voyage touristique ou bien dans des livres, des films ou au pis aller dans l’envahissante publicité.

La première ville-lumière qui vient à l’esprit c’est toujours Paris avec son Louvre majestueux, les Champs-Élysées et la Seine nonchalante. Qui dit Paris pense aussi Versailles.

Les gens citent parmi de telles villes, Rome, fondé sur les sept collines, berceau de la civilisation moderne ou bien Venise, ville-enchanteresse.

Le haut lieu du tourisme, des musées et de l’architecture est Saint-Pétersbourg, aussi bien que Moscou avec son Kremlin débordant d’œuvres d’art, sa Place rouge et la cathédrale de Basile-le-Bienheureux au bord de la Moskova, habillée en granite.

En Amérique du Nord, le vrai nouveau monde, « mis en chantier » il y a à peine 400 ans, des villes avec le patrimoine de la grandeur de la vieille Europe, peuvent être comptées sur les doigts d’une main.

Pour l’Amérique francophone, dont l’histoire est la plus ancienne au Canada, si on fait abstraction de l’art primitif des Amérindiens, la ville lumière est Québec, ancienne capitale de la Nouvelle-France, qui a les lettres de noblesse de l’UNESCO pour sa renommée historique.

Pour confirmer cette idée je vous invite de faire une visite dans le musée national des beaux-arts de la province du Québec, le quatrième musée d’art en importance au Canada.

Il est situé dans la ville de Québec au milieu du parc des Champs-de-Bataille (Plaines d’Abraham) d’où il surplombe le majestueux fleuve Saint-Laurent.

Le musée est constitué de trois bâtiments abritant 24 000 œuvres d’art québécois dans ses sept salles.

L’entrée est gratuite pour tous conformément à la loi qui régit le fonctionnement du musée. Cette loi prescrit que le musée doit « faire connaître, faire promouvoir et conserver l’art québécois de toutes les périodes, de l’art ancien à l’art actuel et assurer une présence d’art international ».

En période touristique (mai-octobre) les bâtiments du musée vus à vol d’oiseau rappellent un écrin de trésors ouvert sur le tapis vert de gazon et placé au beau milieu des plaines d’Abraham, le haut lieu historique du Canada.

Moi, j’y suis allé maintes fois en mars-avril 2009, qu’on appelle hors saison, lorsque la neige n’a pas encore fondu pour laisser apparaître le gazon vert sur le terrain tout autour. À cette époque le musée avait plutôt l’air d’un iceberg flottant dans une masse de neige.

L’entrée dans le musée est aménagée dans le pavillon central très ensoleillé et accueillant, ressemblant un peu à la pyramide du Louvre, d’où vous êtes dirigés vers le pavillon Gérard-Morisset (portant le nom d’un des conservateurs du musée) ou le pavillon Charles-Baillargé (portant le nom du père d’une dynastie artistique du Québec.)

Nous commençons notre visite par les salles du pavillon Gérard-Morisset en les visitant dans un ordre chronologique. Nous ouvrons les portes de la première salle : « Québec, l’art d’une capitale coloniale. XVIIe-XIXe siècles ».

« Québec, l’art d’une capitale coloniale aux XVIIe– XIXe siècles »

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Musée des beaux-arts du Québec

Sur les murs vous pouvez parcourir les textes qui vous apprennent beaucoup de choses sur la collection de la salle. Vous voyez que les premières images de la Nouvelle-France paraissent en Europe au fur et à mesure de l’exploration de son territoire par les découvreurs. Mais les colons français tout au début font venir des gravures et des tableaux pour répondre à leurs besoins d’images au Canada de l’Europe.

Avec le temps les autorités religieuses font venir des artistes du vieux continent, comme, par exemple, un peintre important, Claude Lefrançois, dit le frère Luc. Durant les 16 mois qu’il passe en Nouvelle France il a peint plusieurs tableaux pour les communautés religieuses de Québec (L’Assomption, 1671 pour l’Hôpital Général de Québec) et pour les paroisses des alentours. On lui doit aussi un Portrait de Monseigneur Laval, 1671-1672.

Les missionnaires catholiques utilisent les dessins dans leur entreprise de conversion des Indiens, comme le rappelle le grand tableau, La France apportant la foi aux Indiens de la Nouvelle-France (vers 1666, Couvent des Ursulines, Québec), où la France est personnifiée sous les traits d’Anne d’Autriche, régente du roi de France Louis XIV (1643-1651).

Un peu plus loin vous faites connaissance avec les peintres topographiques. Notamment vous apprenez que tout au long de l’avancement des Européens à l’intérieur du territoire du Canada en XVIIe-XIXe siècles la création des vues en forme des dessins était primordiale pour les besoins de la topographie et de la cartographie. Les études topographiques remontent à l’intérêt que portait l’Europe du XVIe siècle au relief et aux détails dans la représentation du paysage. L’exécution devait être précise autant pour des raisons de fierté, de fidélité à la réalité observée, que pour des raisons stratégiques.

Après la conquête anglaise de la Nouvelle-France (1759-1760), les sujets picturaux et les styles changent. Alors que sous le régime français, les paysages étaient rarissimes (une Vue des chutes Niagara). Ces peintres britanniques étaient des militaires qui avaient appris leur métier à la Royal Military Academy de Woolwich. On croyait utile de leur enseigner non seulement à faire des cartes géographiques, mais aussi à « saisir » des vues topographiques de paysages.

Les artistes topographes se plaisaient également à évoquer des images poétiques qui ouvraient de nouveaux panoramas à l’imagination populaire. Il existe dans les collections canadiennes quelques rares paysages topographiques qui datent de la fin du XVIIe siècle au début du XXe siècle.

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Musée des beaux-arts en hiver

Des soldats et des colons britanniques installés au Canada s’adonnent à ce passe-temps et laissent un grand nombre d’œuvres sur les paysages et les coutumes du pays. Par exemple, Harvey Smyth montre l’envergure des forces anglaises qui montent à l’assaut de Québec. Richard Short étale dans ses dessins de la ville conquise l’importance de la flotte britannique, la richesse de l’architecture et la nature bon enfant de ses habitants.

James Pattison Cockburn réalise une importante collection d’aquarelles sur Québec et ses environs. Il dessine les activités de la place du marché et le charme des rues étroites où se côtoient les militaires anglais et les Canadiens français. Ses peintres savent montrer le pittoresque des chutes Montmorency et la beauté de la campagne québécoise.

Lorsque vous vous arrêtez devant la chaire de l’église exposée dans le centre de la salle, vous comprenez inconsciemment que vous êtes au cœur de la collection d’art colonial, très étroitement liée au nom de François Baillargé.

Vie d’artiste : François Baillargé

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R.Clow TOLD, Le Cône de glace de la chute Montmorency, 1840

François Baillairgé était le plus éminent créateur artistique parmi tous les membres de la famille Baillargé qui étaient les architectes, les sculpteurs et les peintres ayant œuvré au Québec durant cinq générations jusqu’au XXe siècle inclusivement.

Sculpteur, architecte, peintre, trésorier municipal (né à Québec le 21 janvier 1759, décédé à Québec le 15 septembre 1830), par la qualité de son travail, François Baillairgé a surpassé son père Jean, surtout dans les sculptures ornementales. À une époque où le Québec est coupé de sa mère patrie, il renoue avec les principes du classicisme français en vogue sous le règne de Louis XVI. Reconnaissant très tôt les talents de François, son père et les autorités du Séminaire de Québec l’envoient étudier à Paris, à l’Académie royale de peinture et de sculpture, de 1778 à 1781.

À son retour, François sculpte des retables pour de nombreuses églises paroissiales en plus de produire des grands tableaux d’inspiration religieuse ainsi que des œuvres fantaisistes comme les armoiries pour le carrosse du duc de Kent. Travaillant d’abord avec son père et ensuite avec son fils, François excelle dans la conception et l’exécution d’ouvrages richement ciselés dans une veine classique, destinés à l’intérieur des églises. Parmi ses chefs-d’œuvre, nous pouvons mentionner plusieurs églises comme l’église de Baie-Saint-Paul (1818-1828) ainsi que ses compositions pour le tabernacle de la cathédrale Notre-Dame à Québec et la façade de la prison de Québec (1808-1814).

Œuvre d’artiste : la chaire de l’église de la Baie-Saint-Paul

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R.F.MOUNTAIN,
Un village du bas Canada, 1840

En 1816 à l’âge de 57 ans, architecte et peintre, de renom il commence l’exécution de la chaire de l’église de la Baie-Saint-Paul. La chaire est adossée au mur au-dessus des fidèles. Le prêtre montait l’escalier pour s’y rendre pour prononcer un sermon. Dans le médaillon en haut saint Pierre tenant une épée, dans l’un des médaillons en bas Jésus Christ en prédicateur diffusant la parole divine.

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F.BAILLARGÉ,
chaire de l’église, 1818

En avançant plus loin dans la salle notre regard est attiré par un tableau : La Traversée du fleuve en hiver 1902 de Charles Huot.

Vie d’artiste : Charles Huot

Huot Charles, peintre et illustrateur (Québec, 6 avril 1855 – Québec, 28 janvier 1930). Il entreprend ses études au Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière et les poursuit à l’École normale Laval de Québec, dont le directeur organise une collecte pour lui permettre de s’inscrire à l’École des beaux-arts, à Paris, en 1874. Il fréquente alors l’atelier du peintre Chabanel et mérite une médaille d’argent. À l’occasion de l’Exposition universelle de 1878, le gouvernement français lui achète Le Bon Samaritain, que l’on peut admirer aujourd’hui au Musée Tavet, à Pontoise. En 1898, il revient définitivement au pays après un séjour de 17 ans en Europe. Il travaille alors à la décoration de nombreuses églises du Québec. Il peint aussi pour le Parlement de Québec deux grandes toiles, Séance du premier parlement du Bas-Canada, le débat sur la langue et Le conseil souverain de 1663, au plafond de l’Assemblée nationale, Je me souviens, et la grande verrière de la bibliothèque, Je puise mais n’épuise. Il illustre aussi de nombreux ouvrages.

Peu avant sa mort (1930), il est fait Officier de l’Instruction publique par le gouvernement français.

Œuvre d’artiste :  La Traversée du fleuve en hiver, 1902

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C.HUOT, La Traversée du fleuve en hiver

Sous un ciel gris de fin d’hiver, une barque se fait un passage entre les glaces. Les hommes armés de longs bâtons repoussent des glaces qui obstruent l’entrée dans le bassin Louise. Le bateau-traversier est déjà sous vapeur en dégageant une grosse fumée. Il s’apprête à quitter le quai pour amener les passagers et la marchandise sur l’autre rive du fleuve Saint-Laurent. À l’arrière on voit la citadelle, qui s’efface dans le paysage, tandis que le luxueux hôtel Château Frontenac pointe ses tourelles vers le ciel.

Huot peint la vie à Québec sans nostalgie, en mettant en relief le dynamisme des hommes et des machines à l’ère industrielle. On voit que le port ne s’arrête plus au gré de quatre saisons, mais continue à être actif grâce au peuple robuste et courageux prêt à assumer le risque d’un travail dangereux.

Nous quittons la salle d’art colonial pour entrer dans la salle « Tradition et modernité au Québec 1860-1945 ».

« Tradition et modernité au Québec en 1860-1945 »

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C.KRIEGHOFF, Québec vu de pointe Levis, 1853

Ces tableaux sont fixés au murs d’une façon inhabituelle : presque collés les uns aux autres, comme cela se faisait au temps des premiers salons des beaux-arts au XIXe siècle au Canada. Figurez-vous que les tableaux ne portent aucune inscription : ni nom d’auteurs ni titre. Le visiteur a tout le loisir pour identifier chaque tableau à l’aide d’un catalogue tenu à sa disposition. Vous jouez un peu le rôle d’un collectionneur d’art, venu au salon pour acheter une peinture.

Avant les années 1840, la peinture canadienne est fortement influencée par les conventions et les goûts européens. Il n’y a pas de changement majeur après cette période, mais le contenu, de plus en plus canadien, influencera grandement la pratique artistique au Canada. Le peintre romantique canadien le plus populaire et le plus prolifique demeure Cornelius Krieghoff. Il peint plusieurs paysages des alentours du Saint-Laurent.

Il peint aussi les scènes de genre. Certaines sont humoristiques, d’autres anecdotiques. D’un tempérament exubérant, Krieghoff, après avoir vu la peinture de genre à la Düsseldorf Academy, transforme ses portraits de la vie quotidienne en tableaux d’une immense popularité. Il s’intéresse depuis toujours aux Indiens et, comme sa femme est d’origine française, il connaît intimement le style de vie des habitants.

Il est intéressant de noter que le soutien qu’obtient Krieghoff pour son travail lui vient de ses protecteurs canadiens-anglais, car la bourgeoisie française de l’époque est offusquée par ses tableaux, qu’elle considère comme une caricature vulgaire de la vie du peuple et une insulte à leur mode de vie.

« Figuration et abstraction au Québec en 1940-1960 »

Après la guerre, les créateurs québécois multiplient leurs séjours en Europe. Dans la foulée d’un leader en art abstrait, Alfred Pellan ils réinventent le vocabulaire de la figuration en puisant dans les esthétiques du fauvisme, du surréalisme et d’autres ismes.

L’art abstrait ne contient pas l’image du monde extérieur et qui propose plutôt d’élaborer un langage autonome que beaucoup d’artistes comparent à la musique. Tout cela est écrit dans le manifeste Refus global d’un autre leader d’art abstrait Paul-Émile Borduas. À titre d’exemple les peintres projettent sur la toile leur vision du monde extérieur, telle qu’elle perçue dans le rêve ou l’imagination.

Il est significatif de lire l’explication du peintre lui-même comment il voit son tableau. Par exemple, J.-P. Riopelle commente son œuvre Abstraction (1954) en ces termes : « C’est un paysage, mais un paysage mental. Il est le résultat de rapport que j’ai pu avoir avec une réalité vécue. Il témoigne de la peinture par ce qui s’est passé en moi. »

Regardons quelques tableaux abstraits dans cette salle en commençant par la vie des artistes pour mieux comprendre leurs œuvres.

Vie d’artiste : Alfred Pellan

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A.PELLAN, Conciliabule, 1945

Alfred Pellan, peintre (Québec, 16 mai 1906 – Laval, Québec, 31 octobre 1988). En 1923, alors qu’il est encore étudiant à l’École des beaux-arts de Québec (1920-1925), la Galerie nationale du Canada achète sa toile intitulée Un coin du vieux Québec. Aussi, Pellan obtient, en 1926, la première bourse d’études en beaux-arts du gouvernement du Québec, ce qui lui permet d’étudier à Paris, où il demeurera jusqu’en 1940.

Les couleurs dans ses natures mortes et ses études de figures deviennent plus intenses, ses rythmes linéaires plus fluides, ses images plus abstraites. Durant son séjour à Paris, sa réalisation la plus extraordinaire sera de remporter le premier prix à l’exposition d’art mural de 1935. Quand il doit revenir au Canada, à cause de la Deuxième Guerre mondiale, il s’installe à Montréal. Il rapporte de Paris des œuvres qui seront louangées dans des expositions à Québec et à Montréal en 1940 mais, comme l’art cubiste et surréaliste de Pellan est considéré comme trop d’avant-garde, il en vendra peu.

Pour survivre, il enseigne à l’École des beaux-arts de Montréal de 1943 à 1952. Au milieu des années 40, Pellan commence à illustrer des recueils de poésie et conçoit des costumes et des décors pour le théâtre. Durant cette période, il développe son style de la maturité. Il est de plus en plus attiré par le surréalisme : son imagerie devient plus érotique et ses peintures, aux couleurs toujours saisissantes, deviennent plus grandes, plus complexes et plus texturées. Son refus d’adhérer à une quelconque école d’art l’amène à former en 1948 Prisme d’Yeux, un regroupement d’artistes dont le manifeste réclame un art libre de toute idéologie restrictive.

En 1952, Pellan reçoit une bourse de la Société royale du Canada et déménage à Paris, où il vit jusqu’en 1955, année où il devient le premier Canadien à présenter une exposition individuelle au Musée national d’art moderne. À son retour au Canada, de nombreuses expositions ainsi que des commandes de murales établissent sa renommée dans l’ensemble du pays. Il est fait officier de l’Ordre national du Québec en 1985.

Œuvre d’artiste :  Conciliabule2 1945

Le tableau représente une femme portant un collier et apparaissant simultanément de face et de deux profils. Quatre masques, quatre hommes ? – épient les chuchotements secrets de ce conciliabule intime.

L’art de Pellan est mouvement et dynamisme, comme la vie elle-même.

Le peintre le plus québécois et à la fois contemporain et classique est, certainement, Jean-Paul Lemieux.

Vie d’artiste : Jean-Paul Lemieux

Jean-Paul Lemieux, peintre (Québec, 18 novembre 1904 – Montréal, 7 novembre 1990). Il fréquente l’École des beaux-arts de Montréal de 1926 à 1934, et entre-temps fait un voyage à Paris. Il enseigne à l’École des beaux-arts de Québec en 1937 et y reste jusqu’en 1965. Ses œuvres s’inspirent de Québec. Ses premiers tableaux représentent la vie quotidienne, des paysages familiers.

Dans les années 40, les toiles de Lemieux (La Fête-Dieu à Québec, 1944) dépeignent, à la manière d’une fresque, les attitudes d’un peuple. L’organisation du sujet et de l’espace est à ce moment influencée par l’école primitiviste d’Italie et l’art populaire québécois traditionnel.

Souvent méditatif et sérieux, l’art de Lemieux peut aussi parfois être humoristique et lyrique.

Œuvre d’artiste : La Fête-Dieu à Québec

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J.-P. LEMIEUX, La Fête-dieu à Québec

Regardez attentivement La Fête-Dieu à Québec peint en 1944, lorsque les Canadiens après 5 années sombres de privation de la deuxième guerre mondiale célèbrent avec un éclat la fête religieuse. Le défilé suit un chemin en grand S de la cathédrale Notre-Dame de Québec en haute ville, d’où elle sort, vers l’église Notre-Dame-des-Victoires en basse ville. La foule attentive et bariolée observe le défilé devant la taverne du peuple ou sur le bord de la route. Les gens viennent en famille, endimanchés. Les hommes sont sérieux, les femmes sont pieuses. Tout le monde est respectueux, sauf un chien égaré et un garçon qui fait pipi contre un arbre dans le parc Montmorency tout en haut. Ces quelques clins d’œil sarcastiques ressemblent à l’humour sarcastique de Bruegel.

En quittant les tableaux de Lemieux nous traversons un grand hall pour entrer dans une autre salle.

« Salle Riopelle ». Vie d’artiste

Riopelle, Jean-Paul, peintre et sculpteur (Montréal, 7 octobre 1923 – l’île aux Grues près de Montmagny, 12 mars 2002) est le peintre canadien du XXe siècle le plus acclamé sur la scène internationale. Alors qu’il est l’élève de Paul-Émile Borduas à l’École du meuble, Riopelle rencontre d’autres artistes avec qui il discute de surréalisme, de radicalisme politique et de psychanalyse. En 1946, il expose à Montréal en compagnie de Borduas et de plusieurs autres et qui constitue la première exposition au Canada d’un groupe de peintres abstraits canadiens.

Influencé par le surréalisme, dont l’idée maîtresse est la « libération de l’esprit humain », il passe de la peinture figurative à la peinture abstraite gestuelle qui le rendra célèbre. Après la Deuxième Guerre mondiale, s’élevant contre l’accroissement de la normalisation et de la dépersonnalisation causées par le capitalisme industriel, les peintures de Riopelle se caractérisent par une improvisation personnelle et des gestes « bruts »qui attestent de leur facture exclusivement humaine.

Afin de rendre son art encore plus spontané, il utilise plusieurs techniques expérimentales : des coups de pinceau souple aux mouvements expressifs (1946-1949) ; la technique de dégoulinade maîtrisée, qui consiste à presser le tube de peinture directement sur la toile ; et, au début des années 1950, l’utilisation du couteau à palette pour créer un effet de mosaïque à la surface de la peinture, qui est une caractéristique de son style ultérieur.

Il retient l’attention du critique Michel Tapi et celle du chef de file du surréalisme, André Breton. En 1948, il revient brièvement à Montréal où il signe le manifeste Refus global, sur la couverture duquel figure l’un de ses dessins à l’encre. Après son retour à Paris en 1948, Riopelle est de plus en plus reconnu. Sa célébrité atteint un point culminant en 1962 quand il reçoit un prix de l’UNESCO pour l’ensemble de son œuvre. En 1963, on lui fait l’honneur d’une rétrospective au Musée des beaux-arts de l’Ontario.

Une grande exposition, a aussi été organisée par le Musée des beaux-arts de Montréal et a été présentée en été 2006 au Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg en Russie.

Œuvre d’artiste : L’Hommage à Rosa Luxembourg, 1992

Regarder une peinture de Riopelle c’est entrer là-dedans.

Le 30 octobre 1992, Riopelle apprend la mort de Joan Mitchell, une femme peintre qu’il a aimée et à qui il a donné un surnom affectueux « Rosa Malheur ».

Saisi par cette perte d’un être aimé et secoué par la fuite du temps il se met à peindre sur la table de l’atelier de l’ile aux Oies un triptyque monumental de 40 mètres de long.

Riopelle l’intitule L’Hommage à Rosa Luxembourg en souvenir de la militante communiste qui croyait fermement comme lui à la grandeur de l’homme et qui, comme lui, aimait la vie, la liberté et les oies sauvages.

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J.-P. RIOPELLE, L’Hommage à Rosa Luxembourg

Émouvant comme une chapelle ardente, le triptyque représente des oiseaux, des fougères, des souris, des fers à cheval. Des oies, des grues, des corbeaux étirent des cous, étalent des ailes immobiles et des pattes raidies par la mort.

Il a peint dans cette œuvre le récit métaphorique de sa vie. Une espèce de testament pictural du temps qui s’efface et fuit.

En sortant de la salle Riopelle, nous terminons notre tour de l’exposition générale du musée, présentée dans le pavillon Gérard-Morisset. Cela représente à peu près la moitié de cette collection permanente, mais donne un aperçu complet de l’art pictural au Québec du XVIIe au XXe siècles, divisé en trois grandes périodes et courants :

En voulant souligner un apport inestimable de Riopelle à l’art contemporain québécois, le conservateur du musée a prêté à ses œuvres une salle entière.

La prochaine fois nous pourrions continuer notre visite de l’autre moitié de l’exposition, située dans les salles du Pavillon Charles-Baillargé. Nous visiterions les espaces astucieusement aménagés, qui parlent des héros du Québec, d’art inuit (l’un des peuples des Amérindiens), des œuvres du peintre Alfred Pellan et du sculpteur Armand Vaillancourt.

En quittant le musée, nous avons apprécié l’exposition pour ce qu’elle est : belle, riche et vivante aux couleurs de la grande histoire du Québec. Nous emportons dans notre tête et notre cœur de beaux souvenirs de la collection du musée.

Nous avons finalement senti par notre tête et notre cœur, que « l’art est une connexion de l’intelligence et de la sensibilité », comme disait René Magritte, chef de file du surréalisme.

(à suivre)



1 Livre Franco-Amérique de Dean Louder et Eric Waddell est publié dans l’édition Septentrion en 2008. Les études et les témoignages réunis dans cet ouvrage collectif rappellent la richesse et le dynamisme de la présence française partout sur le continent américain.

2 Conciliabule (m) (lat. eccl. Conciliabulum « concile irrégulier ») – entretien privé et parfois secret entre plusieurs personnes. Exemple : Un interminable conciliabule.

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