Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №8/2007

Je vous salue, ma France

Henri Troyat (1911-2007)

Le Bruit solitaire du cœur (1983)

(extrait)

Lev Tarassov, dit Henri Troyat, est né le 1er novembre 1911 à Moscou. Au moment de la révolution bolchevique, il s’enfuit de la Russie et arrive à Paris en 1920. Naturalisé Français, il publie en 1935 son premier roman Faux Jour, avec lequel il obtient le prix Populiste, trois ans plus tard, L’Araigne  qui lui valut le prix Goncourt.

Son œuvre est immense. Membre de l’Académie française depuis 1959, Henri Troyat a écrit 85 ouvrages : 6 suites romanesques, 27 romans, 6 recueils de nouvelles, 21 biographies.

Zénaïde Antonovna se félicitait d’avoir acheté à temps de l’huile, de la farine, du riz et du sucre. Tout le monde s’étant rué pour constituer des réserves, les commerçants dévalisés ne servaient plus leur clientèle qu’au compte-gouttes. Les transports urbains étaient paralysés. Des autocars militaires trimbalaient les passagers à travers la ville. Peu de voitures particulières roulaient encore dans les rues. Les cuves des pompistes étaient à sec. La grève s’étendait aux établissements privés. L’une après l’autre, les banques fermaient leurs portes. Plus d’argent liquide, plus de courrier… Profitant de ce vaste remue-ménage, chacun demandait une augmentation de salaire, une diminution du temps de travail, un élargissement des droits syndicaux, un surcroît de liberté, un supplément de bonheur. Les immondices, n’étant plus enlevées par le service du nettoiement, s’accumulaient sur les trottoirs et les rats sortaient des égouts. Les journaux publiaient des photographies effrayantes : chaussées dépavées, voitures en flammes. CRS en rangs serrés, noirs, compacts, moyenâgeux, avec leurs boucliers et leurs casques, fumée des grenades lacrymogènes, manifestants titubant sous les coups de matraque.

Accouru chez son père, Boris déclarait que ce soulèvement massif prouvait la santé du peuple de Paris. La révolte des étudiants et des ouvriers, unis en un même combat, exprimait, disait-il, le grand espoir d’une nation, excédée par un régime autoritaire qui n’était pas dans la tradition française. Il fallait céder le plus rapidement possible aux exigences de la rue. Les ministres actuels étaient incapables de comprendre la philosophie de ce mouvement. Seule l’arrivée au pouvoir d’une équipe de gauche pouvait ramener la paix dans les esprits et remettre la France au travail. En affirmant cela, Boris savait de quoi il parlait : il s’était rendu à plusieurs reprises au Quartier Latin, lors des manifestations. Il avait écouté des orateurs improvisés au Théâtre de l’Odéon.

L’enthousiasme et la détermination des jeunes étaient admirables. Boris s’extasiait sur le génie spontané dont témoignaient les inscriptions anonymes sur les murs de la Sorbonne, de la nouvelle faculté de médecine, de Sciences Po, des lycées : «  Sous les pavés, la plage… », « Il est interdit d’interdire », « Vous finirez tous par crever de confort »…

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