Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №14/2007

Arts et culture

Michel Polnareff (1944) : Une légende vivante, donc insaisissable

Il ne ressemble à personne. Inaccessible pour les uns, génial, doux, chaleureux, pour les autres, il est pratiquement impossible de voir sous les lunettes un « vrai Polnareff », idole des sixties. Polnareff est un musicien le plus original de sa génération.

Grand compositeur, mélodiste génial, chanteur, pianiste, parolier et arrangeur, Michel Polnareff fait partie des premiers « beatniks » français. C’est sur les marches du Sacré-Cœur de Montmartre et aux terrasses des cafés qu’en 1965-1966 qu’il interprète ses chansons. De terrasses en petites salles de concerts, il promène sa passion du rock naissant. Ses chansons confirment Michel Polnareff comme un artiste révolutionnaire et hors norme.

Depuis ses débuts en 1966, ce mélodiste s’est autant fait connaître par ses tubes que par ses excentricités. Longue chevelure blonde décolorée tombant sur les épaules, lunettes noires carrées, à montures blanches, tenues voyantes et coiffures variées, fesses nues sur les affiches, disparitions mystérieuses, procès financier à scandale – la légende Polnareff est bien là.

Du Conservatoire aux marches du Sacré-Cœur

Michel Polnareff naît à Nérac, dans le Lot-et-Garonne, le 3 juillet 1944. Sa mère, Simone Lane, est une ancienne danseuse, et son père, Leib Polnareff, est un compositeur, connu sous le pseudonyme de Léo Poll (il a notamment écrit pour Édith Piaf et les Compagnons de la chanson). Michel passe donc toute son enfance dans la musique.

Très tôt, la famille regagne Paris. Dès l’âge de 5 ans, Michel apprend le piano. Un élève brillant, il décroche à 11 ans le premier prix de solfège au Conservatoire de Paris. Après son bac, son service militaire, il claque la porte du domicile familial et apprend en quelques jours la guitare pour jouer et chanter dans la rue. Cette première révolte de Michel, il l’a expliquée plusieurs années plus tard en répondant aux questions d’un journaliste de la RFI1  :

« – Votre père, le compositeur Léo Poll, a-t-il eu une influence sur votre vocation de chanteur ?

– Il a eu une assez sévère influence pour que je dise merde à la musique classique et que je me mette dans le rock. Mon père voulait que je sois fonctionnaire. Sinon, il aurait espéré faire de moi un grand pianiste classique. C’était un réfugié politique, un immigrant passé par pas mal de chocs et je suppose qu’il voulait que je n’aie pas une vie aussi compliquée que la sienne. » 

Une des passions de Michel est de créer des orchestrations jazz pour de grands airs classiques. En attendant, il enregistre sa première chanson La Poupée qui fait non qui connaîtra un énorme succès.

C’est une poupée qui fait non, non,
non, non
Toute la journée elle fait non, non,
non, non
Personne ne lui a appris
Qu’on pouvait dire oui...

Cette petite chanson bouscule la création française. Polnareff suggère un style nouveau, très mélodique. « La chanson devient comme un hymne national, raconte Michel Polnareff. Le disque se vend à deux cent mille exemplaires en deux mois. »

Dès lors, les tubes se succèdent : Sous quelle étoile suis-je né ? et L’Oiseau de nuit en 1966, Le Rois des fourmis en 1967 et Le Bal des lazes en 1968, Tous les bateaux en 1969.

De la « Polnarévolution » au « Polnarêve » ?

Il fait son premier Olympia en 1967. Un succès énorme. Cependant, ses textes ne manquent pas d’effrayer les âmes sensibles (à commencer par L’Amour avec toi en 1966, interdit d’antenne avant 22 heures). En 1970, il réplique en chanson Je suis un homme :

En soixante dix il n’est
pas question
Ce serait du vice
De marcher tout nu
Sur les avenues.
Mais c’est pour demain
Et un de ces jours
Quand je chanterai
Aussi nu qu’un tambour
Vous verrez bien que :
Je suis un homme...


Un coup de théâtre en 1972 : 6 000 affiches de son spectacle à l’Olympia qu’il nomme Polnarévolution, représentent l’artiste de dos, coiffé d’un grand chapeau, les fesses nues. Une insulte à la société des bien-pensants. Michel Polnareff est convoqué devant un tribunal qui le condamne à payer 10 francs par affiche sur le motif « d’attentat à la pudeur ». En revanche, cette série de spectacles à grande mise en scène est un triomphe. « Ce sont mes années d’esclavage, jusqu’à la fameuse affaire de l’affiche à scandale, dont je reste très heureux. J’ai fait le tour du monde, dans bien des endroits l’affiche scandaleuse m’avait précédé. Dans certains pays, on connaît mon cul mieux que ma musique. »

À la fin de l’année, Polnareff s’envole pour le Japon où sa notoriété est gigantesque, puis il retrouve l’Olympia en mars 1973 pour un spectacle du nom de Polnarêve. Enfin, il entame une tournée internationale qui le mène en Polynésie, dans l’Océan indien ou en Amérique du Nord.

Un exil qui n’a jamais cessé

En 1974, Polnareff se retrouve à la tête d’un énorme scandale financier : son homme de confiance, Bernard Seneau, est parti avec la caisse de 5,7 millions de francs. Le fisc2 réclame à Ponareff deux ans d’arriérés d’impôts. Le chanteur s’exile aux États-Unis pour raisons fiscales. Il sera blanchi en 1978, mais depuis son exil n’a jamais vraiment cessé. Nul ne sait exactement ce qu’il fait, où il vit. Les albums se font plus rares. En réalité, Michel s’installe en Californie, mais la France lui manque. Il annonce le retour probable, et lance avec le single d’une beauté magique Lettre à France, un véritable appel au secours. « Mon pays me manque. J’ai envie de revenir. Mais l’affaire se hâte avec lenteur. »

Depuis que je suis loin de toi
Je suis comme loin de moi
Et je pense à toi tout bas
Tu es à six heures de moi
Je suis à des années de toi
C’est ça être là-bas…

L’année suivante, il se présente devant une chambre correctionnelle pour fraudes3 fiscales, avec un album Coucou me revoilou4 .

Devenu presque aveugle à cause d’une double cataracte qu’il refuse d’opérer, Polnareff plonge dans une dépression sévère et retourne aux États-Unis. Mais en juin 1989, sa nouvelle création Goodbye Marylou envahit les ondes radio et fait un triomphe.

Quand l’écran s’allume je tape sur
mon clavier
Tous les mots sans voix qu’on se
dit avec les doigts
Et j’envoie dans la nuit
Un message pour celle qui
Me répondra OK pour
un rendez-vous...

En 1990, Michel revient en France. Il s’enferme au Royal Monceau, palace parisien, pendant 801 jours. Il sort son nouvel album Kama-Soutra qui est un triomphe. Comme d’habitude.

En 1995, guéri de sa cataracte, Michel Polnareff repart aux États-Unis. Le chanteur travaille lentement, gardant le lien avec la France par Internet et son actif site www.polnaweb.com, ouvert en 1997. Le polnaweb est conçu comme un mur, où s’inscrivent des messages du chanteur et des courriels d’admirateurs sur fond de chevelure blonde et de fidèles lunettes (montures blanches et carrées, verres opaques). Le polnaweb se moque. Les jeux de mots sont innombrables. Le « mur » est « une mer », « merci » devient « mer sea » et « Bercy » – « Ber Sea » et « Bercu Meaucoup5  ».

De temps en temps, il accorde quelques interviews, souvent donnés par téléphone où répond sincèrement à toutes les questions posées par les journalistes :
« – Vous avez confiance en votre savoir-faire ?
– Je n’ai jamais utilisé aucune formule qui marche, je veux toujours prendre des risques, il n’y a que ça qui m’intéresse. Je n’aime pas le professionnalisme.
– Vous n’avez jamais eu la tentation d’arrêter la musique ?
– Tout le temps. Je crois que ça fait partie des fantasmes de penser qu’on va être libre un jour. Mais ça ne s’est jamais présenté de façon très prolongée. 
»

Et aujourd’hui ?

Au début du XXIe siècle, « une légende vivante » de la chanson française fait un cadeau à ses fans : il sort de sa retraite pour publier un livre Polnareff par Polnareff – cet autoportrait où il raconte sa vie.

Le retour de l’enfant prodigue : « coucou le revoilou »

Chose inespérée se produit le 12 mai 2006, au journal de 20 heures de TF1 : en duplex depuis la Californie, sous ses fameuses lunettes, Polnareff apparaît en annonçant son come-back en 2007. Il revient, bien décidé à reprendre sa place de leader. Il débute en mars 2007, par 10 shows à Paris, (toutes les places vendues en quelques jours), et enchaîne par 21 concerts en province, à Bruxelles et à Genève.

Voilà 34 ans que l’auteur de La Lettre à la France n’est pas monté sur scène. L’annonce de sa venue a déclenché une hystérie parmi ses fans, qui l’attendaient depuis trop longtemps. Mais cette fois-ci l’ex-idole est venu en France pour chanter pour ses fidèles et les jeunes qui ne le connaissent que par des récits de leurs parents…

C’était l’événement le plus attendu de l’année 2007 dans le domaine des variétés françaises.

L’affiche annonçant ses spectacles est faite dans l’esprit Polnareff : un dessin d’une chevelure à boucles et de lunettes à monture blanche, sans visage, sans nom. La star, âgée de 62 ans, plus petit en vrai que sur les photos, détendu, à la fois timide et sûr de lui, a débarqué dans une petite pièce de l’hôtel, le sourire aux lèvres et un garde du corps à la porte d’entrée. Il a toujours les cheveux bouclés en cascade comme au bon vieux temps.

Il est venu, il a chanté, il a vaincu

Comment imaginait-il l’instant où il allait enfin apparaître dans la lumière ?
« J’essaie de me préserver, de ne pas me laisser déborder par l’émotion. J’ai une mission à accomplir : être fort sur scène. L’accueil du public va évidemment me toucher, je préfère ne pas y penser. Je peux fondre en larmes. » Les salles sont combles. Il en est fier et flatté.

Enfin le 2 mars 2007, le soir de la grande première, Polnareff est monté sur la scène parisienne, pour le début de sa tournée, la première depuis 1973.

Quarante petites minutes de retard pour 34 ans d’absence : pas de quoi faire une histoire pour un rendez-vous si longtemps attendu et tant de fois repoussé. Le public, très sage, et le beau parterre de personnalités parmi lesquelles le Premier ministre Dominique de Villepin, des chanteurs, des acteurs : Patrick Bruel, Julie Depardieu, Nadine Trintignant, Catherine Frot, le directeur de l’Olympia Arnaud Delbarre, Pascal Nègre, président d’Universal Music France, le tout-télévision ont donc sagement attendu l’arrivée de Michel Polnareff.

Côté fans, toutes générations confondues, assis, debout, certains portent la perruque blonde bouclée et les célèbres lunettes noires.

La scène est constituée d’une immense arche luminescente encastrée d’écrans vidéo, sur un fond de ciel noir parsemé d’étoiles. Flottant dans le vide, une douzaine de sphères de toutes tailles, le tout formant une sorte de système stellaire. Pas de doute, c’est le même, 30 ans en arrière ou 30 ans plus tard. Non, il n’a pas changé, c’est bien lui qui, dès les premières mesures de Je suis un homme, laisse le public reprendre le refrain. Qui est le plus intimidé des deux ? Polnareff ou la foule de spectateurs ? C’est match nul.

Il enflamme la salle en alignant ses plus grands succès qui n’ont jamais quitté la mémoire collective des Français : La Poupée qui dit non, L’Amour avec toi, et le superbe Qui a tué grand-maman, Love Me Please, Goodbye Marylou …

Dès qu’il s’installe au piano, le miracle opère, les années s’effacent. Et c’est comme si cet exilé de longue date n’avait jamais quitté ce pays qu’il chante avec émotion sa Lettre à France. Il y a ceux qui pleurent.

Le spectacle s’achève en beauté sur un karaoké On y ira tous au paradis. Titre pour lequel les paroles défilent sur les lunettes transformées en écrans géants, repris en chœur par toute la salle, bras levés au ciel, avant qu’une pluie de milliers de papillotes argentées, sous la forme des lunettes emblématiques du chanteur, ne tombe des cintres.

« Michel, je t’aime », hurle la foule. « Je vous aime aussi », répond le musicien qui n’a rien perdu de son charisme ni de sa voix.

Quelle joie que ce romantique fragile et provocateur revienne en pleine forme. Décidément, il est venu, il a chanté, il a vaincu !

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