Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №19/2007

Mon amie la langue française

Le verlan

C’était verl’hi. Il avait généi et le vent flaitsouf. La tetipe legaci taitlogare. Elle n’avait rien géman depuis deux jours.
La surprise passée, on finit par reconnaître la fable de La Fontaine sous cette version en verlan de La Cigale et la Fourmi, de Yak Rivais. La preuve que le verlan n’est pas si difficile et qu’il n’est pas forcément là où on l’attendait…


1. Pour la petite histoire

Le mot a été inventé en inversant les syllabes de la locution adverbiale à l’envers. Le verlan est un type d’argot à clefs. Mais, contrairement à ce que beaucoup pensent, il ne se résume pas à inverser les syllabes et il n’est pas né dans les banlieues.
Le verlan a, en effet, une longue histoire.
Au XVIe siècle, le peuple aurait rebaptisé les Bourbons Bonbours, de la même façon que, deux siècles plus tard, il appellera Louis XV Zequinzouil, se permettant ainsi quelques familiarités avec les puissants. Le verlan est donc d’emblée populaire et impertinent. C’est aussi un langage secret qui rend possibles toutes les audaces. On dit que c’est en mettant à l’envers le nom d’Airvault, une ville qui lui était familière, que le jeune Arouet, après un premier séjour à la Bastille, devient Voltaire. Et il n’était pas le premier à se masquer ainsi. Tristan, amoureux d’Iseult, la femme de son oncle, s’était déjà fait appeler Tantris pour rester incognito auprès de sa belle. On aurait donc commencé à « verlaniser » à partir du XIIe siècle…
Mais c’est parmi les hommes du milieu que ce langage codé a eu le plus de succès. Il se nourrit d’ailleurs des mots interdits. Le verlan est donc un langage marginal souvent utilisé par les marginaux, jusqu’à ce que la littérature lui fasse une place importante et que le cinéma s’en empare…

2. Le bon usage

Pour parler en verlan, on inverse des syllabes, des sons ou des lettres.

· Un chien se dit iench
Mais tous les mots ne sont pas soumis à cette transformation et, quand ils le sont, ils ne le sont pas tous de la même façon. Le verlan n’est pas une langue, il touche essentiellement le vocabulaire, mais il ne change pas la grammaire. Et c’est un langage oral qui tient rarement compte de l’orthographe des mots qu’il modifie. Le plus souvent, on écrit le verlan en reconstituant sa prononciation.
Les mots qui se composent d’une seule syllabe sont difficiles à « verlaniser ». À défaut de pouvoir inverser les syllabes, on inverse alors les phonèmes, les sons. On ajoute une voyelle pour éviter que le mot en verlan ne se termine sur une consonne.

· Ça devient ace, ou as
On peut aussi rajouter un son vocalique, eu, pour remplacer la voyelle initiale.
Cher devient reuch.
Pour aller plus vite, le verlan supprime généralement la dernière syllabe.
Pour désigner un flic, on ne dit pas un keufli, mais un keuf.
Un mec, ce n’est pas un keumé, mais un keum, et une femme, c’est une meuf, pas une meufa. Si elle est maigre, on dira greum (greumê) ; moche, elle sera cheum.
Et pour rester ne famille, la mère, c’est reum, le père, c’est reup, et le frère, reuf.
Comme lourd fait reulou et punk keupon, on pourra donc évoquer un keum reulou, un reuf chelou et un reup keuf qui aurait chéfla sur un lompa de peukon pour faire la teuf ! (Un mec lourd, un frère louche, un père flic qui aurait flashé sur un pantalon de punk pour faire la fête : pas sûr alors qu’on soit bien dans ses peupons- pompes, chaussures en argot)
C’est plus simple avec les mots de deux syllabes : on se contente généralement de les inverser.
Bizarre devient zarbi, un blouson est un zonblou, le métro est le tromé, la musique –la zicmu, puis la zic. Tomber, c’est béton, un mot que Renaud a rendu populaire par sa chanson Laisse béton, tandis que le cinéma s’emparait des pourris dans le film de Claude Zidi Les Ripous !
Quand les mots sont composés d’un nombre impair de syllabes, la syllabe centrale reste généralement à sa place et les syllabes initiales se mettent à la fin, et vice versa.
Cela peut énerver : on dit vénèr. Et si le résultat blesse l’oreille, on peut toujours avaler les syllabes difficiles à prononcer.
Une voiture se dira donc turvoi, en faisant l’économie du e.
Le verlan peut aussi condenser en un mot toute une expression : on entend beaucoup à la télévision ou au cinéma le fameux ziva (Vas-y). Mais on pourrait aussi citer les très populaire sakom (comme ça) et chelaoim (lâche-moi). Celui-ci provient d’une double « verlanisation », puisqu’on a d’abord inversé les syllabes, lâche-moi devenant chlamoi, avant de faire la même chose avec les sons dans la dernière partie du mot, ce qui a donné finalement cet intéressant chelaoim. On reconnaît le procédé même si l’on est crevé, qui se dit véquère !

3. Un langage créatif

Le verlan peut être très imagé. C’est le cas, par exemple, quand le très grossier Dégage de là devient Gage dédale !
Le mot beur (Arabe) usé, a été remplacé par rabza ; le très contesté renoi a cédé sa place à cainf (Africain), et les Français sont appelés loigo (Gaulois) ou bablou (verlan de toubab, qui désigne un blanc pour un Africain plus que séfran.
Quelques mots viennent d’ailleurs :
Le bled, qui signifie pays en arabe, a donné deblé, et despi (rapidement) s’est formé sur l’anglais speed.
Enfin, certains mots en verlan ont leur entrée dans le dictionnaire.
C’est le cas de meuf-femme, keum-mec, keuf-flic et beur-arabe.
On a ainsi reconnu que le verlan pouvait nourrir la langue, la pimenter parfois. Singulière revanche pour un parler qu’on a longtemps tenu pour grossier et réducteur.

(d’après La langue populaire Éditions Atlas.
La publication est préparée
par Alla CHEÏNINA)

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