Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №5/2008

Je vous salue, ma France

Paris : promenade littéraire

Il y a autant de Paris qu’il y a d’écrivains qui l’ont traversé, qui y ont vécu, l’ont chanté, en ont fait le thème de leurs œuvres. Il y a les très célèbres Paris de Balzac (Histoire des Treize), de Victor Hugo (Les Misérables), d’Eugène Sue (Les Mystères de Paris), d’Alexandre Dumas (Les Mohicans de Paris) et ceux restés tout aussi légendaires : le « spleen » de Paris qu’évoque Baudelaire ou la « thébaïde » de Nerval, ce lacis populaire de rues où il se réfugiait tous les soirs.

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Au XVIe siècle, Montaigne rendit un hommage précoce à Paris : « Je ne suis Français que par cette grande cité, grande en peuples, grande en noblesse mais surtout grande et incomparable en diversité et variété… ». Paris fut le théâtre de milliers d’écrits de toutes époques et de tous genres, un lieu privilégié d’intrigues depuis Restif de la Bretonne au XVIIIe siècle (Les Nuits de Paris) jusqu’à Patrick Modiano aujourd’hui (Place de l’Étoile ou Rue des boutiques obscures). Des pages superbes de Zola, Flaubert, Maupassant, Proust, Céline ou Sartre forment une anthologie unique.

Dans Paris, une infinité de lieux invite à suivre le fil d’un rêve, d’un mythe, d’une histoire :

Tentons donc une promenade à travers le temps et l’espace dans cette ville où se sont accumulées en chaque lieu de multiples strates littéraires. Flânons à travers les quartiers et laissons-nous aller à la fantaisie de l’évocation de quelques grands noms, de quelques grandes œuvres.

Au commencement est la Seine, le fleuve des amours honorées par Apollinaire :

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine...

Quel plus bel hommage à la littérature que ces bouquinistes qui continuent à proposer des éditions rares dans des boîtes vertes, rectangulaires, au couvercle relevé, posés sur des murets qui surplombent les quais de la Seine.

L’île de la Cité, c’est, bien entendu, Notre-Dame de Paris, avec une petite pensée pour Esméralda et Quasimodo. De ce lieu trop connu, gagnons l’île Saint-Louis. Elle est hantée par le souvenir de Baudelaire. Il avait élu domicile au dernier étage de l’hôtel Lauzun, quai d’Anjou. Il fit de ce « paradis artificiel » le lieu d’élection de sa création poétique. Ne disait-il pas de sa ville : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or » ? Les Paradis artificiels sont par ailleurs le titre d’une œuvre en prose que Baudelaire écrivit en 1860.

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En traversant la Seine, nous allons à la rencontre du Quartier Latin. Face à la Sorbonne, le Collège de France, lieu unique de l’humanisme où, sous François Ier et sous la houlette de Guillaume Budé, on créa le « collège des trois langues » où l’on enseignait le latin, le grec et l’hébreu. Ronsard, grand poète de la Renaissance, y a fait ses études, ainsi que les écrivains de la Pléiade. Sous Louis XV, s’y ouvrit un des premiers cours de littérature française. Bien plus tard, Paul Valéry y enseigna.

Aujourd’hui, les deux vénérables institutions se dressent toujours de part et d’autre de la rue Saint-Jacques, flanquées de prestigieux lieux d’enseignement et de recherche. Pourtant si quelques librairies étirent leur étal le long du boulevard Saint-Michel (le « Boul Mich » des étudiants) presque tous les cafés littéraires anciens ont ici disparu.

Mieux vaut donc obliquer au carrefour de Cluny, sur la gauche du boulevard Saint-Germain. Là, nous entrons dans le monde des cafés et terrasses « rive gauche », lieu de rencontres, de débats et de création pour des générations d’écrivains. Pour se rendre à Saint-Germain-des-Prés, nous traversons le quartier de l’Odéon. Un peu plus haut se trouve le théâtre de l’Odéon, devenu théâtre de l’Europe où Jean-Louis Barrault mit en scène En attendant Godot de Samuel Beckett avec Madeleine Renaud, pièce qui tint l’affiche pendant des décennies.

Mais de l’autre côté du boulevard, c’est le Procope qui retient notre attention. Ce café, fondé en 1664 au 13 de la rue de l’Ancienne-Comédie, est fidèle à son rôle de plus ancien haut lieu littéraire de Paris. C’est là que La Fontaine venait, que Voltaire se faisait servir un mélange spécial de café et de chocolat, que Diderot et D’Alembert confrontèrent leurs idées, et que l’Encyclopédie naquit. Au XVIIIe siècle, Marivaux et Beaumarchais, dont les comédies mettent en scène la vie parisienne, y dînaient régulièrement. Au XIXe siècle, on y remarque les silhouettes de George Sand, de Musset, de Daudet et même de Verlaine dont vous pouvez voir un portrait, le représentant endormi à une table. Dînez-y et après les repas, pénétrez dans le passage du Commerce-Saint-André. Là, le long de la façade arrière du restaurant, vous admirerez les portraits des personnages qui ont fait la gloire du Procope.

Puis, venons au clocher campagnard de Saint-Germain-des-Prés. Dans le petit square à l’angle de la place Saint-Germain et de la rue de l’Abbaye, vous verrez la sculpture de Picasso Hommage à Apollinaire. Ici, nous sommes dans le royaume des deux rivaux : le Café de Flore et les Deux Magots. Leur renommée tient aux surréalistes et aux existentialistes. C’est là qu’André Breton, Tristan Tsara, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Albert Camus et Jacques Prévert élirent domicile avant et après guerre. Ce ferment intellectuel s’est évanoui à la fin des années 1950, mais le quartier a gardé une partie de son charme d’antan. Les rues Saint-Benoît et Jacob résonnent encore des sons de la trompette de Boris Vian qui anima avec tant de talent les caves de Saint-Germain-des-Prés. Une philosophie de la vie. Un parfum de liberté.

Les rues résonnent également des vers de Prévert :

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Rue de Seine dix heures et demie
le soir
au coin d’une autre rue
un homme titube… un jeune homme
avec un chapeau
un imperméable
une femme le secoue…
elle le secoue
et elle lui parle
et il secoue la tête
son chapeau est tout de travers
et le chapeau de la femme s’apprête à tomber en arrière…

Pour se rendre à Montparnasse, on peut, derrière le théâtre de l’Odéon, traverser le séduisant jardin du Luxembourg. Il nous offre un espace harmonieux, où, au hasard des allées, on admire la fontaine des Médicis, le monument de Delacroix, les statues de Paul Verlaine ou de Georges Sand.

Montparnasse est le lieu d’élection de la création artistique et littéraire autour de la Première Guerre mondiale. De ce quartier, où la bohème fit couler beaucoup d’encre, il nous reste deux lieux magiques. C’est à la Coupole, aux colonnes en partie décorées par Marc Chagall, que Louis Aragon rencontra Elsa Triolet, que les Russes blancs se retrouvaient autour d’un verre.

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Quant à la Closerie des lilas, ce fut le lieu préféré de Lénine et même de Trotsky puisqu’une plaque de cuivre marque aujourd’hui la place qu’il occupait dans ce café.

Les souvenirs se pressent également au Dôme, au Select, à la Rotonde, même si ici c’est la peinture qui est à l’honneur. Tous ces lieux sont imprégnés des pages de Léon-Paul Fargue (Le Piéton de Paris) ou des poésies de Max Jacob.

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La vie littéraire parisienne fut ainsi faite qu’elle s’est déplacée dans l’espace de la ville au fil des années. Alors, au risque de remonter le temps après Saint-Germain-des-Prés 1945 et Montparnasse 1920, c’est à Montmartre qu’il faut nous rendre pour évoquer la seconde partie du XIXe siècle.

Le métropolitain nous amène directement à l’une des deux stations qui nous permettent d’explorer la Butte : « Abbesses » ou « Lamarck-Caulaincourt ». Montmartre reste lié aux chansons d’Aristide Bruant, aux romans de Francis Carco ou de Marcel Aymé. Le premier cercle poétique fut créé au Chat Noir autour de son animateur, poète et chansonnier, Aristide Bruant. Célèbre est sa représentation en cape, chapeau de feutre et écharpe rouge, œuvre mondialement connue de Toulouse-Lautrec. Il acquiert en 1903 le Lapin Agile, ancien Cabaret des assassins. On y entendit l’acteur Charles Dullin réciter du Baudelaire et du Verlaine. C’est au Bateau Lavoir, paradis des artistes marginaux, que plane le souvenir de Max Jacob. Tout près de là, rue Ravignan, il eut sa crise mystique qui l’entraîna à se convertir au christianisme. Il faut arpenter la rue Saint-Vincent pour évoquer avec Marc Orlan les souvenirs littéraires de la Butte. Il nous laisse un précieux témoignage dans son ouvrage écrit en 1928, La Rue Saint-Vincent. Un peu avant, en 1922, Francis Carco avait écrit Promenades pittoresques à Montmartre. Marcel Aymé, qui écrivit une bonne partie de son œuvre au Lapin Agile, nous a laissé le superbe Passe-muraille. Tous ces romans ont la Butte pour décor.

On ne peut guère quitter Paris sans rendre visite aux deux « monuments » de la littérature française que sont Honoré de Balzac et Victor Hugo. La maison de Balzac est sise rue Raynouard à Passy. Il y vécut de 1840 à 1847 sous un pseudonyme pour fuir les créanciers. Il y écrivit Splendeurs et misères des courtisanes, La Cousine Bette, Le Cousin Pons, La Rabouilleuse… Aujourd’hui, cette maison est transformée en musée. La chambre à coucher évoque les souvenirs de sa famille, Laure sa sœur préférée, ses travaux d’imprimerie ; la salle à manger – l’histoire de la maison et du quartier ; le salon – Mme Hanska, comtesse polonaise qu’il épousa trois mois avant sa mort. La seule pièce qui conserve des objets authentiques est le cabinet de travail où (oh miracle !), on peut voir, reliques de l’écrivain, sa canne à pommeau incrustée de turquoises et la cafetière marquée de ses initiales. On sait qu’il était gros consommateur de café, indispensable soutien à l’accomplissement de ces quinze heures minimum d’écriture par jour.

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C’est quasiment à la même période que Victor Hugo s’installe avec sa femme et ses quatre enfants dans l’ancien hôtel des Rohan, construction du XVIIe siècle. Il se trouve place des Vosges, alors place Royale, où planait toujours le souvenir de Mme de Sévigné qui y passa son enfance. Victor Hugo était très attaché à la capitale dont il dit : « Avant d’avoir son peuple, l’Europe a sa ville, et cette ville c’est Paris ». Il y écrivit ses grands drames dont Marie Tudor et Ruy Blas et une partie des Misérables dans lesquels il met en scène le personnage de Gavroche, un gamin de Paris, devenu symbole de liberté. Il y vécut aussi ses amours avec Juliette Drouet. Hugo quitta cette maison en juin 1848 lorsque les insurgés l’envahirent. Il ne reste rien d’originel dans l’aménagement. Tout est reconstitution et évocation du grand homme à l’aide des décors des autres maisons qu’il habita, à Guernesey en particulier. Une pièce insolite cependant, la table tournante par laquelle il communiquait avec les esprits !

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Pour plus d’information, consultez : www.parisinfo.com

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