Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №12/2008

Les Routes de l’Histoire

Les étudiants en colère

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Les réunions et les débats se multiplient.

La rentrée universitaire de novembre 1967 s’annonce difficile. Le nombre des étudiants a été multiplié par deux entre 1960 et 1968, en raison de baby-boom. Les jeunes issus des classes que l’on appelle « moyennes », c’est-à-dire ni riches ni pauvres, fils d’employés, de petits commerçants, de techniciens – vont être de plus en plus nombreux à poursuivre leurs études. Pour la première fois, il faut accueillir plus de 500 000 étudiants à l’université. Le gouvernement a construit à la hâte entre 1963 et 1965 des locaux dans les banlieues de Paris : les facultés de Jussieu et de Nanterre. À Nanterre, c’est une petite gare avec des quais en bois, puis un long chemin boueux pour arriver aux bâtiments de la faculté. À un kilomètre de là, un immense bidonville1 où s’entassent les travailleurs venus d’Algérie ou du Portugal. Nanterre est l’archétype de la fac2 nouvelle : ses bâtiments sont gris, froids, dressés dans un environnement ingrat. Rien à voir avec la Sorbonne et les divertissement du Quartier latin, loin des vieilles universités de province qui, en général, se trouvent au centre-ville, entourés de cafés, restaurants, librairies, cinémas…

Mais malgré ces nouveaux locaux, les conditions de travail sont très difficiles. Les amphithéâtres (les amphis) sont bondés : assis sur les marches, le manteau sur les genoux, les étudiants essaient d’entendre le professeur et de prendre des notes. Il n’y a pas de livres en nombre suffisant à la bibliothèque. Et les étudiants ont peur de ne pas réussir leurs examens car, à la fin de l’année, une seule épreuve décide du passage dans le niveau supérieur. Le taux d’échec, la première année, est très élevé : plus de 80 %. Les étudiants sont persuadés que tout cela est organisé pour les décourager. Dans les facultés de lettres s’ajoute le problème des débouchés : il n’y a pas encore de chômage, mais on craint d’avoir un travail mal payé et pas toujours en rapport avec ses études. Les jeunes ont l’impression de ne pas trouver leur place dans cette société.

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Assemblée générale
à la faculté de Nanterre.

Dans les cités universitaires, les garçons n’ont pas le droit d’entrer dans les chambres des filles. Le jour de la Saint-Valentin, le 14 février 1968, des manifestations s’organisent pour réclamer la liberté de rendre visite aux filles. Des garçons s’enchaînent aux grilles des immeubles habités par celles-ci, et la police intervient.

Cela ne fait qu’accentuer la colère des étudiants contre l’administration de la faculté. Pendant tout le printemps, les manifestations se multiplient aussi bien contre la guerre au Vietnam que pour des examens plus justes et la mixité des cités universitaires. Tout commence donc à la faculté de Nanterre. Celle où Daniel Cohn-Bendit, dit Dany le Rouge, étudiant en sociologie, né en France de parents allemands et ayant choisi la nationalité allemande, prend la tête de l’agitation. Celle qui devient le centre de la contestation. Celle qui restera l’emblème du mouvement étudiant de Mai 68. Les étudiants demandent une réforme radicale de l’Université, n’hésitant pas à utiliser grèves et manifestations. Les jeunes professeurs soutiennent leurs étudiants, les cours sont souvent interrompus et transformés en forums de discussions.

Mais certains étudiants veulent étudier. On craint des bagarres.

Le 22 mars 1968, le bâtiment administratif de la faculté est occupé par une centaine d’étudiants révolutionnaires (maoïstes, castristes, anarchistes, militants de la JCR – Jeunesse communiste révolutionnaire, du PSU – Parti socialiste unifié) qui se nomment eux-mêmes des « enragés3 », Daniel Cohn-Bendit en tête. Après une période de grèves entrecoupée de heurts avec la police et de manifestations, les autorités décident de durcir leurs positions : Nanterre est fermée le 2 mai. Daniel Cohn-Bendit est arrêté et traduit devant le conseil de discipline4. Tout le monde admire son sang-froid et cette décision met le feu aux poudres et déplace le mouvement vers Paris, vers le Quartier latin, vers la Sorbonne.

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Les étudiants en colère.



1 Agglomération de baraques sans hygiène où vit la population la plus misérable

2 Faculté

3 Par référence aux enragés de 1793, révolutionnaires extrémistes qui ont pris une part active à la lutte contre les Girondins.

4 Il est arrêté car on a trouvé un tract estampillé « 22 mars » qui explique la recette du cocktail Molotov (explosif artisanal).

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