Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №15/2008

Les Routes de l’Histoire

La vie continue

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Les soldats en transit, les permissionnaires, les blessés, les ouvriers étrangers engagés dans les usines forment des foules qui bousculent les habitudes et la routine de l’arrière. À Paris, le spectacle est étonnant. Les ouvriers sont de toutes les origines : des Algériens, des Marocains, des Antillais dans les usines de gaz. Des Malgaches et même des forçats1 de Cayenne ont été rapatriés pour travailler comme terrassiers. On voit aux terrasses des cafés des soldats alliés néo-zélandais, australiens, mais aussi, en 1918, noirs américains. On organise des distractions nocturnes pour les soldats au repos, dont bénéficient aussi les profiteurs. Malgré l’indignation des combattants qui constatent qu’à l’arrière la vie continue sans eux, les « nouveaux riches » étalent leur luxe et s’adonnent avec frénésie à tous les plaisirs. Loin des quartiers populaires où le petit peuple souffre de privations et poursuit son effort pour la victoire, les bons restaurants ne désemplissent pas et les cafés-concerts font salle comble. La vie donc continue. La recherche de la « fête » prend même plus d’ampleur ; elle s’intensifie avec le risque de la mort. Cette vie parisienne qui s’affiche ne fait que creuser le fossé entre civils et soldats. Les « scandales » y contribuent davantage. On en voit de tout genre. En novembre 1916, lors de la réouverture de l’Opéra, le « scandale des épaules nues » éclate à propos du luxe des toilettes et des bijoux. Le gouvernement en vient à interdire toute autre tenue que le costume de ville dans les théâtres. Le 18 mai 1917 est présenté au Châtelet le premier ballet surréaliste2, Parade, sur un argument de Jean Cocteau, une musique d’Erik Satie et des décors de Pablo Picasso. Parade fait scandale. Et les critiques expriment leur mécontentement avec un vocabulaire d’époque, traitant des auteurs de « Boches».

Une population manipulée

« La guerre contre la démagogie est la plus dure de toutes les guerres. »
Charles PÉGUY, Pensées

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La censure, la surveillance postale, les articles « arrangés » qui taisent les horreurs de la guerre, les affiches et les tracts – rien n’est négligé pour éviter la démoralisation de l’arrière. Dès 5 août 1914, les députés français votent une loi de censure sur la presse. À partir de 1915, un bureau militaire filtre aussi les nouvelles : la poste contrôle régulièrement les cartes et les lettres échangées entre les civils et les soldats afin de surveiller le moral des troupes et les progrès du pacifisme. Malgré la censure, de nouveaux journaux apparaissent, y compris sur le front, refusant de se soumettre. Ils sont qualifiés de « défaitistes »3 voire de « traîtres. » Le Canard enchaîné naît ainsi en septembre 1915. Il donne aux civils une image plus exacte de la guerre et des souffrances du front.



1 Prisonniers condamnés au bagne ou aux travaux forcés.

2 Le mot « surréaliste » a été inventé par Guillaume Apollinaire à l’occasion de la représentation de Parade.

3 Qui veulent la défaite de la France.

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