Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №15/2008

Les Routes de l’Histoire

Les enfants à la guerre

« La guerre était d’extermination et sans pitié.
Et c’est pour cela qu’il y eut tant d’enfants-héros. »1

Fortuny

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img2Le 8 mai 1915, Mon journal, périodique destiné à la jeunesse, publie la réponse du président de la République, Raymond Poincaré, à la lettre d’un enfant de Limoges, âgé de 9 ans, qui a sollicité l’autorisation de s’engager dans l’armée : « Le patriotique désir qu’a exprimé Henri Lacorre ne peut malheureusement pas se réaliser, la loi ne permet pas les engagements avant l’âge de 17 ans, mais c’est déjà servir la France que d’être un enfant sage. »

D’autres enfants n’ont pas attendu l’autorisation présidentielle, comme le montre cette annonce du Moniteur du Puy-de-Dôme, publiée le 6 décembre 1914 : « Deux enfants de 14 et 15 ans, Henri C. et Ambroise R., ont pris le train dimanche soir, dans la direction d’Arvant, pour aller à la frontière du Nord prendre part à la guerre. Les deux aventuriers sont recherchés par leur famille. »

Il s’agit là d’un des comportements les plus étranges et méconnus de la Première Guerre mondiale : on assiste à un véritable phénomène de « fugue héroïque », qui pousse des enfants, parfois très jeunes, à quitter le domicile familial pour aller combattre, sur le front, au côté des soldats (il y avait même des petites filles de 12 et 13 ans, qui veulent être infirmières).

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Certains enfants se sont réellement confrontés aux combats. Ils ont profité de la guerre de mouvement pour se mêler à tel ou tel régiment. Mais le destin le plus exemplaire reste celui de Jean Corentin Carré, jeune Breton, auquel un monument est dédié dans sa commune d’origine. À 15 ans, il parvient, grâce à un faux état civil, à s’engager dans un régiment d’infanterie. Deux ans plus tard, après avoir mené une campagne héroïque comme fantassin et ayant atteint l’âge légal, il demande à s’engager sous son vrai nom. Il rejoint ensuite l’aviation, où il trouve la mort en combat aérien, en 1918. On a conservé ses lettres, dont celle-ci adressée à son instituteur : « Je ne pourrais pas vivre sous le joug de l’ennemi, c’est pourquoi je suis soldat. Eh bien ! Ce sentiment de l’honneur, c’est à l’école que je l’ai appris et c’est vous, mon cher maître, un de ceux qui me l’ont enseigné ! Je souhaite que tous les petits écoliers comprennent les leçons qui leur sont données de la même manière que je les ai comprises. La vie en elle-même, n’est rien, si elle n’est pas bien remplie. »

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Cet héroïsme enfantin devient très rapidement un instrument de propagande, une composante du discours officiel où tout se mêle : réalité et fiction. La littérature de cette époque destinée à la jeunesse rapporte en effet dans ce domaine à la fois des histoires authentiques ou comportant une part de vérité et des récits de pure fiction.

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Pour ce qui est des garçons, la propagande focalise l’attention sur une dizaine de cas emblématiques, régulièrement cités et mis en images. Ces garçons ont entre 7 et 17 ans - les récits cherchent toujours à rajeunir les plus âgés, car plus l’âge est tendre, plus la démonstration héroïque est digne d’intérêt. Les jeunes héros français proviennent généralement de milieux populaires ; ils sont en outre orphelins, mais toujours issus des familles exemplaires (comptant des ancêtres anciens combattants de 1870). L’enfant-héros le plus célébré par la propagande, et totalement oublié depuis, est Emile Dseprès. Originaire du village de Lourches, dans le Nord, où il exerce la profession de mineur, il a entre 13 et 14 ans. Fin août-début septembre 1914, la région est envahie par les troupes allemandes. Emile se trouve, malgré lui, au centre du drame : alors que les Allemands s’apprêtent à fusiller avec un groupe d’otages un sergent français blessé, l’enfant lui offre un peu d’eau. L’officier allemand le fait alors arrêter et l’ajoute au groupe à fusiller. Puis il se ravise : l’enfant aura la vie sauve s’il tue lui-même le sergent ! Emile fait mine d’accepter le marché, mais, au dernier moment, il retourne l’arme qu’on lui a prêtée sur l’officier l’ennemi, qu’il tue à bout portant. Il est aussitôt exécuté. En décidant de tirer sur l’officier ennemi, il sait qu’il se condamne à mort et accepte ce sacrifice2.

(d’après Stéphane Audoin-Rouzeau)


1 Fortuny, Graine de héros, Petite bibliothèque de la Grande Guerre, 1915.

2 Jacquin, Fabre Petits héros de la Grande Guerre, Hachette 1918.

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