Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №15/2008

Les Routes de l’Histoire

Aux morts, la Patrie reconnaissante

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De 1918 au milieu des années 1920, les 1 400 000 morts français ont bien envahi tout l’espace affectif de la nation. Les cérémonies grandioses, les constructions de monuments aux morts ont transformé ces millions de deuils en une affaire d’État où s’exprimait bien plus que la joie de la victoire, l’écrasement du chagrin. Si le grandiose défilé militaire du 14 juillet 1919 a attiré des foules immenses, c’est le millier de mutilés placés en tête du cortège, et surtout la symbolique élevée sous l’Arc de triomphe, qui ont le mieux incarné la tonalité de la journée. De même, le 11 novembre, jour anniversaire de la victoire, a été transformé en jour férié. À 11 heures, dans chaque commune, les rassemblements autour des monuments aux morts, les drapeaux, le crêpe noir, les fleurs, les discours, ont créé une pédagogie morale et civique. Chacun des morts a eu droit à son nom gravé publiquement dans sa commune, son entreprise, son école, sa paroisse… Pour le monument communal, on choisit dans la plupart des cas, une stèle en forme de pyramide ou d’obélisque. Ces monuments étaient les moins chers et ils convenaient à l’esprit du temps. Dans les territoires ravagés par les combats ou l’occupation, les monuments deviennent ouvertement pacifistes : on peut y voir des cathédrales dévastées, des civils qui fuient, des travailleurs forcés, des femmes et des hommes déportés : tout le cortège des malheurs de la guerre totale. Parfois on peut lire : « Que maudite soit la guerre ! »

Un héros inconnu à l’Arc de triomphe

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Évoqué dès 1916, le projet de l’inhumation d’un soldat inconnu, symbole du sacrifice de tous, est repris par les parlementaires en 1919. Finalement, après de nombreux débats, l’Arc de triomphe est préféré au Panthéon : le soldat inconnu doit avoir un lieu de repos exceptionnel. Il fallait trouver un héros tombé sur le champ de bataille devenu mythique depuis 1916, Verdun. Le soldat inconnu est choisi le 10 novembre 1920 parmi huit cercueils installés dans la citadelle de Verdun. Le cercueil, escorté par des mutilés, est transporté sur un affût1 de canon drapé de tricolore, jusqu’à l’Arc de triomphe. Il est aussi accompagné tout au long de la journée d’une famille fictive : une veuve de guerre, une mère et un père ayant perdu leur fils, un enfant orphelin. Deux ans après l’armistice, les cérémonies du 11 novembre 1920 font sortir dans les rues de Paris des centaines de milliers de gens en larmes, persuadés qu’ils voyaient passer celui qu’ils avaient perdu. Pendant des dizaines d’années pas un seul provincial, pas un seul étranger ne pouvait venir visiter Paris sans aller d’abord sur la tombe de l’Arc de triomphe.

(d’après Annette Becker)


1 Bâti servant à supporter , pointer et déplacer un canon.

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