Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №1/2009

Arts et culture

Daniel PENNAC

Comme un roman

(extrait)

Dans son livre Daniel Pennac, écrivain et professeur, formule les droits que devrait posséder chacun qui sait lire – « les droits du lecteur ». C’est surtout important pour les professeurs et leurs élèves. L’épigraphe du livre est très significatif : « On est prié (je vous supplie) de ne pas utiliser ces pages comme instrument de torture pédagogique ».

Les droits imprescriptibles du lecteur

En matière de lecture nous nous accordons tous les droits que nous refusons aux jeunes gens que nous prétendons initier à la lecture.

  1. Le droit de ne pas lire.
  2. Le droit de sauter des pages.
  3. Le droit de ne pas finir un livre.
  4. Le droit de relire.
  5. Le droit de lire n’importe quoi.
  6. Le droit au bovarysme.
  7. Le droit de lire n’importe où.
  8. Le droit de grappiller.
  9. Le droit de lire à voix haute.
  10. Le droit de nous taire.

Je m’en tiendrai arbitrairement au chiffre 10, parce que c’est un compte rond, ensuite parce que c’est le nombre sacré des fameux Commandements et qu’il est plaisant de le voir pour une fois servir à une liste d’autorisations.

Car si nous voulons que mon fils, que ma fille, que la jeunesse lisent, il est urgent de leur octroyer les droits que nous nous accordons.

Le droit de ne pas lire

img1

Daniel Pennac

Comme toute énumération de « droits » qui se respecte, celle des droits à la lecture devrait s’ouvrir par le droit de n’en pas user.

La plupart des lecteurs s’octroient quotidiennement le droit de ne pas lire. Entre un bon bouquin et un mauvais téléfilm, le second l’emporte plus souvent sur le premier. Et puis, nous ne lisons pas continûment. Nos périodes de lecture alternent souvent avec de longues diètes.

Mais le plus important est ailleurs.

Nous sommes entourés de quantité de personnes tout à fait respectables, quelquefois diplômées, parfois « éminentes » – dont certaines possèdent de fort jolies bibliothèques – mais qui ne lisent pas. Soient qu’elles n’en éprouvent pas le besoin, soit qu’elles aient trop à faire par ailleurs, soit qu’elles nourrissent un autre amour et le vivent d’une façon absolument exclusive. Bref, ces gens-là n’aiment pas lire. Ils sont tout aussi « humains » que nous, parfaitement sensibles aux malheurs du monde, soucieux des « droits de l’Homme » et attachés à les respecter dans leur sphère d’influence personnelle, ce qui est déjà beaucoup – mais voilà, ils ne lisent pas. Libre à eux.

L’idée que la lecture « humanise l’homme » est juste dans son ensemble. On est sans doute un peu plus « humain », entendons par là un peu plus solidaire de l’espèce (un peu moins « fauve ») après avoir lu Tchekhov qu’avant.

Mais gardons-nous de flanquer ce théorème du corollaire selon lequel tout individu qui ne lit pas serait à considérer a priori comme une brute potentielle ou un crétin rédhibitoire. Faute de quoi nous ferons passer la lecture pour une obligation morale, et c’est le début d’une escalade qui nous mènera bientôt à juger de la « moralité » des livres eux-mêmes, en fonction de critères qui n’auront aucun respect pour cette autre liberté inaliénable : la liberté de créer.

En d’autres termes, la liberté d’écrire ne saurait s’accommoder du devoir de lire.

Le devoir d’éduquer, lui, consiste au fond, en apprenant à lire aux enfants, en les initiant à la Littérature, à leur donner les moyens de juger librement s’ils éprouvent ou non le « besoin des livres ». Parce que, si l’on peut parfaitement admettre qu’un particulier rejette la lecture, il est intolérable qu’il soit – ou qu’il se croie – rejeté par elle.

C’est une tristesse immense, une solitude dans la solitude, d’être exclu des livres – y compris de ceux dont on peut se passer.

 

Tatiana JELEZNIAKOVA

Fiche pédagogique

VOCABULAIRE

imprescriptible – неотъемлемый

accorder – предоставлять

initier à – приобщать

bovarysme – «боваризм» (излишняя чувствительность, романтичность – термин, образованный от имени героини романа Флобера)

grappiller – подбирать остатки

img2arbitrairement – произвольно

fameux, -se – знаменитый

Commandement (m) – заповедь (из Библии)

autorisation (f) – разрешение

urgent, -e – срочный

оctroyer – жаловать, даровать

s’octroyer – позволять себе

l’emporter sur – одерживать верх

alterner – чередоваться

ailleurs – в другом месте

éminent, -e – выдающийся

soit que ... soit que... – то ли… то ли…

entendre par là – понимать под этим

espèce (f) – вид (зд. человеческий вид)

fauve – дикий, хищный

flanquer – пристроить сбоку

corollaire (m) – следствие

a priopri – априори (заранее, не проверив на опыте)

brute (f) – животное, скотина, зверь

rédhibitoire – неисправимый

faute de quoi – из-за чего, из-за этого

escalade (f) – влезание; штурм, приступ; зд. действие, масштабное предприятие

en fonction de – в зависимости от

inaliénable – неотъемлемый

s’accommoder – приспособиться

éduquer – воспитывать, развивать, учить

consister à – заключаться в…

admettre – допустить

particulier (m) – частное лицо, отдельная личность

exclu – исключенный, отверженный

y compris – включая

se passer de – обойтись без


QUESTIONS

  1. Est-ce que l’auteur a raison en disant que toute énumération de droits devrait s’ouvrir par le droit de n’en pas user ? Pourquoi ?
  2. Pourquoi entre un bon bouquin et un mauvais téléfilm on choisit le plus souvent le second ? Et vous, lequel des deux préféreriez-vous ?
  3. Pourquoi même ceux qui aiment les livres ne lisent pas continûment ?
  4. Est-ce que vous êtes d’accord avec l’idée de l’auteur que les gens qui n’aiment pas lire et ne le font pas souvent peuvent quand même être humains ? Qu’est-ce que cela veut dire « être humain » ? L’auteur affirme néanmoins que après la lecture de Tchekhov on devient un peu plus humain. En êtes-vous d’accord ? Pourquoi ? Pourquoi l’auteur choisit un écrivain russe quand il parle de l’humanisme ? Pouvez-vous nommer d’autres écrivains russes dont les livres pourraient avoir le même effet sur les lecteurs ?
  5. Pourquoi l’auteur ne veut pas unir la lecture à la morale ? De quelles libertés parle-t-il ?
  6. Qu’est-ce que vous pouvez dire de vous-même comme d’un lecteur ?
  7. Qu’est-ce que vous pouvez dire sur l’étude de la littérature à l’école ? Qu’est-ce que vous pouvez dire sur l’initiation à la lecture dans votre famille ?

(à suivre)

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