Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №3/2009

Les Routes de l’Histoire

Croyances et superstitions

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Parallèlement à la science on voit se multiplier sorcières et magiciens, car en ce siècle chaotique, entre guerres, famines et épidémies, on croit à la magie, à la sorcellerie, aux astrologues, aux filtres d’amour, aux potions miraculeuses, aux croyances, aux superstitions et aux mystères.

Des poisons sous formes de gouttes, poudres, drogues, sont dissimulés dans des bagues et dans les cachettes les plus invraisemblables.

Les plus grands personnages de la Cour montrent l’exemple : la reine Margot fait modeler par un envoûteur1, à l’attention de son amoureux, de La Mole, une statuette de cire percée d’épingles au cœur. Catherine de Médicis a ses astrologues attitrés (Nostradamus, Ruggieri). Elle porte dans son corsage, contre le mauvais œil, un parchemin couvert de lettres de couleurs diverses et se livre à des expériences magiques destinées à évoquer les esprits ou à prédire l’avenir.

Les pierres précieuses, portées en bijoux sont d’un grand secours (le saphir guérit les ulcères de l’intestin, les perles combattent la mélancolie, l’or est infaillible contre la lèpre) ; on les utilise en talisman.

On croit à l’époque que les sorcières ont des « marques démoniaques » inscrites sur le corps. C’est justement à l’époque de la Renaissance qu’ont lieu de terribles chasses aux sorcières et procès en sorcelleries en France : au nom de la religion, on tue et on torture.

L’apparition des sorcières

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Pour comprendre comment les sorcières ont vu le jour, il est nécessaire de se mettre dans l’ambiance des siècles précédents. Il est probable que cette croyance trouve ses racines dans le cerveau humain, qui cherche des explications et essaie de trouver un responsable aux malheurs, aux morts et aux maladies. C’est à la fin du XVe siècle que l’Église catholique décide de publier un manuel démonologique, le Marteau des sorcières, écrit par un inquisiteur allemand Jacob Sprenger. Le XVIe siècle est contradictoire. Si sa première moitié est marquée par l’optimisme des humanistes de la Grande Renaissance, la seconde moitié a laissé dans l’histoire le souvenir d’un âge de fer, de feu et de sang : attentats politiques, assassinats, guerres de religion (1562-1598), massacres d’une sauvagerie terrifiante, tels que la Saint-Barthélemy (le 25 août 1572)…

Dans ces conditions, on vit en permanence sous le règne de la peur. Le surnaturel hante et fait trembler. Chaque signe qui apparaît dans la nature semble un symbole. Tout cela doit forcément avoir une explication. On se tourne volontiers vers des hypothèses surnaturelles ; et on finit par faire une supposition : si ce n’est Dieu, ce doit être le Diable qui régisse tout cela en coulisses, probablement avec l’aide de quelques complices humains... Il ne reste qu’à trouver les coupables…

La femme et le Diable

« Femme tu es la porte du Diable. »
Tertullien
(155-222 après J.-C.)

Question : Qui est traditionnellement soupçonné de communiquer avec le diable ?

Réponse : La femme.

Question : Quelles sont, parmi les femmes, les plus inutiles, c’est-à-dire, qui ne produisent ni richesses, ni enfants et dont on ne peut plus rien attendre ?

Réponse : Les femmes célibataires et vieilles. Ce type de femmes est de tant plus suspect que d’habitude, elle habite hors du village, près du bois. On les voit sortir la nuit.

On finit par se mettre d’accord : c’est une sorcière…

Ce qu’on reproche aux sorcières

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La persécution des sorcières culmine aux XVIe et XVIIe siècles3 et coïncide avec la Renaissance, c’est-à-dire avec le début de l’époque moderne et l’humanisme.

On peut dire que la psychiatrie est née au pied des bûchers, les médecins s’interrogeaient sur ce qu’étaient les visions et les hallucinations.

Les femmes accusées de sorcellerie (et quelques fois leurs enfants, surtout s’il s’agissait de filles) appartiennent le plus souvent aux classes populaires4.

Dans la deuxième moitié du XVIe siècle, la phobie satanique est à peu près générale en Europe. La figure de la sorcière concentre toutes les peurs de l’époque. Lorsqu’on accuse une femme de sorcellerie, on cherche sur son corps même la marque du pacte, c’est-à-dire là où le démon l’a piquée de son ongle. Mais avant le bûcher c’est un procès de sorcellerie qui a lieu. Ce sont de véritables spécialistes, les démonologues, qui interrogent et torturent les prétendues sorcières. Un des moyens horribles de savoir si une femme est une sorcière consiste à la jeter nue à l’eau, les mains et pieds attachés ensemble pour l’empêcher de surnager. Si elle flotte, elle est aussitôt repêchée et brûlée vive. Si elle se noie, c’est qu’elle est morte innocente. Quand l’aveu est fait, l’exécution est proche. La sentence est lue en place publique. La sorcière doit être brûlée vif, mais est généralement étranglée avant d’être jeté dans les flammes. Ce supplice du feu a pour but d’effrayer la population. La chasse aux sorcières est un phénomène européen (50 000 victimes).

Prospère Mérimée
Chronique du règne de Charles IX 

Ayant tué son adversaire à son premier duel, Bernard Mergy blessé doit se cacher. Il est amené par les amis de son frère dans une maison isolée du faubourg Saint-Antoine. Une vieille femme qui se connaît en médecine, en magie et en astronomie l’y soigne. Une fièvre assez forte, causée par sa blessure, le prive de sommeil pendant les nuits, et c’est alors qu’il est le plus malheureux.

Séance de magie blanche

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Mergy s’est promené quelque temps absorbé dans ses rêveries. Elles ont été interrompues par un coup frappé à la porte de la rue. Une visite dans une maison isolée, à pareille heure, avait de quoi surprendre. Mergy s’est tenu immobile dans un endroit sombre du jardin, d’où il pouvait tout observer sans être vu. Une femme, qui ne pouvait être autre que la vieille, sort sur-le-champ de la maison, une lanterne à la main ; elle ouvre et quelqu’un entre couvert d’un grand manteau noir garni d’un capuchon. La taille et les vêtements de la personne qui venait d’arriver indiquaient une femme. La vieille l’a saluée avec toutes les marques d’un grand respect, tandis que la femme au manteau noir lui a fait à peine une inclination de tête. En revanche, elle lui a mis dans la main quelque chose que la vieille a paru recevoir avec grand plaisir. Un bruit clair et métallique qui s’est fait entendre a fait inclure à Mergy qu’elle venait de recevoir de l’argent. Les deux femmes se sont dirigées vers le jardin. La vieille marchait la première. Au fond du jardin, il y avait une espèce de cabinet de verdure formé par les tilleuls plantés en cercle. Deux entrées, conduisaient à ce bosquet, au milieu duquel était une petite table de pierre. C’est là que sont entrées la vieille et la femme voilée. Mergy, retenant son haleine, les a suivies, et s’est placé de manière à mieux entendre et à voir autant que le peu de lumière qui éclairait cette scène pouvait le lui permettre.

La vieille a commencé par allumer quelque chose qui a brûlé aussitôt dans un réchaud placé au milieu de la table en répandant une lumière bleuâtre. La table était couverte de choses étranges qu’il entrevoyait à peine. Elles paraissaient rangées dans un certain ordre bizarre, et il a cru distinguer des fruits, des ossements et des lambeaux de linge ensanglantés. Une petite figure d’homme, haute d’un pied tout au plus, et faite en cire, était placée au-dessus de ces linges dégoûtants.

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– Eh bien, Camille, a dit à voix basse la dame voilée, il va mieux, me dis-tu ?

Cette voix a fait tressaillir Mergy.

– Un peu mieux, madame, a répondu la vieille, grâce à notre art.

– S’il guérit, tu auras le double de ce que je viens de te donner.

– Ayez bonne espérance, et comptez sur moi.

– Ah ! Camille, s’il allait mourir !

– Tranquillisez-vous ; les astres nous protègent…

– Je t’apporte ce que j’ai eu tant de peine à me procurer. Je l’ai fait acheter à un des archers qui ont dépouillé le cadavre.

Elle a tiré quelque chose de dessous son manteau, et Mergy a vu briller la lame d’une épée. La vieille l’a prise, et l’a approchée de la flamme pour l’examiner.

– Grâce au ciel, la lame est sanglante et rouillée. Il guérira.

– Il guérira ?

– Oui, mais pour être atteint d’une maladie incurable.

– Quelle maladie ?

– L’amour.

– Ah, Camille, dis-tu vrai ?

– Eh quand ai-je manqué à dire la vérité ? Ne vous avais-je pas prédit que les esprits combattaient pour lui ? N’ai-je pas enterré au lieu même où il devait se battre une poule noire et une épée bénite par un prêtre ?

– Il est vrai.

img6– Vous-même, n’avez-vous point percé au cœur l’image de son adversaire, dirigeant ainsi les coups de l’homme pour qui j’ai employé ma science ?

– Oui, Camille, j’ai percé au cœur l’image de son adversaire…

La femme voilée s’est tue. La vieille arrosait d’huile et de baume la lame de l’épée, et l’enveloppait de bandes avec le plus grand soin.

Elle a achevé le pansement de l’épée, et a dit d’un air satisfait :

– Voilà qui est bien. Maintenant je suis sûre de sa guérison, et dès à présent vous pouvez vous occuper de la dernière cérémonie.

Elle a jeté quelques pincées d’une poudre sur la flamme, et a prononcé des mots barbares en faisant des signes de croix continuels. Alors la dame a pris l’image de cire d’une main tremblante, et la tenant au-dessus du réchaud, elle a prononcé ces paroles d’une voix émue : « De même que cette cire s’amollit et se brûle à la flamme de ce réchaud, ainsi, o Bernard Mergy, puisse ton cœur s’amollir, et brûler d’amour pour moi ! »

– Bien. Voici maintenant une bougie verte, coulée à minuit, suivant les règles de l’art. Demain allumez-la devant l’autel de la Vierge.

– Je le ferai ; mais, malgré toutes tes promesses, je suis inquiète. Hier, j’ai rêvé qu’il était mort.

– Étiez-vous couchée sur le coté droit ou sur le gauche ?

– Sur…sur quel coté a-t-on des songes véritables ?

– Dites-moi d’abord sur quel coté vous dormez.

– Je dors toujours sur le coté droit.

– Rassurez-vous, votre songe n’annonce rien que de très heureux.

– Dieu le veuille… Mais il m’est paru tout pâle, sanglant….

En parlant ainsi, elle a tourné la tête, et a vu Mergy debout à l’une des entrées du bosquet.

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1 Magicien (m)

2 Le balai est un attribut des activités féminines, et son utilisation dans la représentation des sorciers pourrait s’expliquer par la prépondérance des femmes parmi les sorciers.

3 La phase la plus dramatique est située entre 1560 et 1630. Au XVIIème les procès en sorcellerie s’épuisent.

4 Les femmes des classes privilégiées échappent aux persécutions, même si le scandale éclabousse parfois la Cour, et Catherine de Médicis n’hésite pas à en utiliser pour éliminer quelques personnages politiquement gênants de son entourage.

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