Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №11/2009

Arts et culture

« J’aimerais écrire de très bons livres... »

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Acteurs Pierre Palmade et Sylvie Testud

En 1957, après son accident de voiture, Françoise Sagan, qui vient de publier Dans un mois, dans un an, reçoit Madeleine Chapsa, journaliste de L’Express.

Dans une maison du Midi doucement chauffée par le soleil de septembre, Françoise Sagan achève de se rétablir, tandis que son troisième roman se vend à un rythme encore jamais atteint en France. Toute mince, deux yeux liquides et bruns dans un visage encore tiré, on la sent fermement repliée sur elle-même. Douce, mais défendue. Fatiguée, aussi...

– Quand vous conduisez à la vitesse que vous aimez, avez-vous l’impression de prendre des risques ?

– Je ne prends jamais de risques. C’était un accident idiot. On sait que cinq voitures se sont renversées au même endroit. C’est vrai.

– Vous êtes-vous rendu compte combien ç’a été grave ?

– Je me suis rendu compte de l’accident parce que j’ai eu plein d’ennuis à la suite. J’en ai encore pour deux mois, trois mois. Mais je ne crois pas que les épreuves sont suffisantes pour tarir ces deux tendances profondes : un certain appétit de bonheur et un certain abandon au malheur. Cet équilibre, ou ce déséquilibre, chez une personne, varie peu.

– Vous pensez alors qu’on ne change jamais ?

– Si, mais les changements, dans une vie, sont le plus souvent de surface. Stendhal le dit d’ailleurs : « La solitude apporte tout, sauf le caractère ».

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Derrière les grilles du Palais de Justice,
le 26 mai 1959, pour le jugement
du procès de son accident

– On a fait de vous un personnage qui s’ennuie beaucoup.

– Non, je ne m’ennuie pas du tout. Je n’ai pas le temps.

– Quand avez-vous pensé à écrire ?

– Assez tôt. A 12, 13 ans. Dès que j’ai commencé à lire sérieusement. Je n’ai jamais pu envisager de faire autre chose. Après le bachot, le seul débouché pour moi, c’était écrire un livre.

– Qu’aimez-vous chez un écrivain ?

– Certains écrivains ont une « voix », qu’on entend dès la première ligne, comme la voix de quelqu’un. C’est ce qui compte pour moi.

– Il semble que vous vous intéressiez à ce qui touche au sentiment, à l’amour ?

– Oui, je m’intéresse surtout à l’amour, mais comme à une des choses directement liées à la solitude.

– Vous avez beaucoup d’ambition ?

– J’aimerais écrire de très bons livres. Oui, c’est une vraie ambition.

– Qu’est-ce que vous pensez de l’argent ?

– C’est bien commode.

– Si vous en aviez beaucoup plus, est-ce que ça ferait une différence ?

– Oui, ça serait encore plus commode. Et puis je reçois dix lettres par jour qui me demandent de l’argent.

– Le succès que vous avez eu vous paraît mérité ?

– J’ai toujours eu l’intuition que ça allait très bien marcher, dès que mon premier livre a été fini. J’étais persuadée que ça marcherait. Je savais que ça marcherait. Mais écrire est une entreprise tellement solitaire...

(d’après L’Express, 13 septembre 1957)

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